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Luca Natalini

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INTERVIEW LUCA NATALINI

@pascalbagot

Tatoueur depuis 25 ans, Luca Natalini est ce que l’on pourrait appeler un ancien dans le métier. À 47 ans, le tatoueur italien ouvre les portes de son studio de Montecatini en Toscane pour Inkers et revient sur son parcours ainsi que ses influences, entre new-school et style japonais.

Entre le tatouage et le dessin, lequel vient en premier ?

J'ai étudié l'histoire de l'art à l'université mais je n'ai jamais dessiné avant de commencer à tatouer. Une fois que j'ai pu me concentrer quotidiennement sur les tatouages, je suis passé progressivement du traçage des flashs au dessin de mes propres œuvres. Je pense que c'est l'un des aspects clés qui a influencé mon style, qui prend forme entièrement dans le tatouage.

Quelles sont les références graphiques avec lesquelles tu as grandi et qui ont fini par construire ton univers graphique ? L'art nouveau par exemple ?

Je dirais que tout un tas d’informations visuelles font partie de mes références étant donné que j'ai grandi dans une belle ville toscane en Italie, remplie d'Art nouveau et que j'ai étudié à Florence pendant trois ans. Mais depuis que j'ai commencé à travailler sur le métier, j'ai vraiment regardé tous les maîtres du tatouage et j'ai copié / collé leurs meilleurs travaux pour essayer de comprendre le sens sous-jacent du flux qui rend une image lisible capable d'habiller le corps correctement.

Quels styles ont particulièrement retenu ton attention ?

Le new-school et le japonais. Le dernier à cause de la façon dont les Japonais utilisent le fond pour placer l'image sur le corps. L'autre pour la liberté artistique et les territoires inexplorés. Beaucoup d'artistes m'ont appris à distance et surtout en personne dans les ateliers où j'ai travaillé aux États-Unis et à Milan (Italie), en particulier Bugs au début, puis Lou Jacque, Nick Baxter, Adrian Dominic. Comme je l'ai dit, j'ai surtout étudié les tatouages et les tatoueurs, tout en me nourrissant de tous les types d'art. J'aime la culture manga et anime parce que l'esthétique est similaire à ce qu'est un bon tatouage : ligne audacieuse, travail sur les contrastes, etc. Mais je ne suis absolument pas un expert.

Comment le tatouage est-il entré dans ta vie ?

J'ai commencé à tatouer grâce à un ami du lycée dans les années 1990, mais c'est resté un hobby pendant quelques années parce que je ne trouvais pas de boutiques susceptibles de m’aider à l'époque. J'ai vraiment commencé lorsque j'ai déménagé à New York en 2003 et que j'ai trouvé un emploi chez TATTOO LOU S à Long Island. Ces six années aux États-Unis ont vraiment façonné mon travail.

Tu abordes différents genres, c’est un héritage de ton parcours old-school ?

Comme je l'ai dit, j'ai appris le dessin en vivant la routine typique d'un atelier américain, où l'on est censé tout faire. J'ai vraiment apprécié apprendre les petites choses sur les différents aspects du tatouage à partir de chaque pièce. Une fois acquises, j’utilise mes compétences pour produire la meilleure image possible en me basant sur une lecture attentive et une bonne compréhension de l'idée du client. J'aime et je respecte les principaux genres de tatouage, en particulier le japonais, le traditionnel, le tribal et le new-school. Je ne suis pas un grand fan du réalisme, mais j'aime une approche réaliste de la lumière et de l'ombre, ou des formes organiques.

Quels sont les points sur lesquels tu te concentres particulièrement lorsque tu abordes une nouvelle pièce ?

Lorsque j'aborde de grandes pièces, je me concentre sur la dynamique et les lignes d'écoulement, à l'instar des arrière-plans japonais. Ensuite, j'esquisse la figure en faisant des allers-retours entre les deux. L’esquisse à main levée étant essentielle. Le corps indique généralement la meilleure façon de présenter une image. J'aime travailler sur les jambes et les bras parce que la forme cylindrique en mouvement donne les solutions les plus intéressantes.

Tu es un bon coloriste. Comment as-tu construis ta palette de couleurs ?

Je construis ma palette en halant avec de l'huile, puis en essayant de trouver la même combinaison de couleurs sur la peau. C'est une chose que j'aime explorer, en particulier les passages subtils des couleurs froides aux couleurs chaudes. J'en fais très souvent à l'air libre pour m'exercer.

Il y a un sens très particulier de la fluidité dans tes dessins, qui pourrait vous rappeler les graffitis.

J'adore les graffitis, mais je n'en ai jamais fait. Je pense que le genre new-school vient de la même racine hip hop, les lignes et les couleurs audacieuses, les images très contrastées. Tout cela s'accorde parfaitement avec un bon tatouage.

Qu'est-ce que le tatouage pour toi ? Une décoration, un marqueur de vie, un moyen de vivre plus intensément les passions ?

C'est un métier, un métier merveilleux. J’aime la routine, le fait de devoir travailler tous les jours à la création d'une pièce personnalisée, donc dans ce sens, c'est un style de vie.

Qu'est-ce qu'un tatouage réussi ?

Un bon tatouage va de pair avec le corps, il s’y adapte, l'habille, il doit être agréable à regarder de loin comme de près, ce qui implique un bon contraste et un bon choix de couleurs. En outre, il est censé durer le plus longtemps possible. Ce dernier point me semble être le plus négligé de nos jours.

Comment fais-tu pour rester frais et créatif ?

Principalement en peignant, en lisant et en observant le travail d'autres artistes. Les médias sociaux sont très utiles à cet égard.

Peux-tu nous parler de la place qu'occupe la peinture dans ton activité artistique ?

Malheureusement, je peins de manière sporadique. J'ai des périodes productives de temps en temps. Dernièrement, je me suis mis à découper des planches de bois en forme et à peindre dessus, juste pour m'éloigner de la forme rectangulaire. Je trouve que c'est plus proche du tatouage. La plus grande différence est que dans le tatouage, le processus créatif suit la demande du client, alors que dans la peinture, c'est moi qui décide. C'est vraiment difficile. La plupart du temps, je finis par peindre des paysages où je peux explorer la perspective de la profondeur et l'atmosphère qui s'en dégage. + IG : @lucanatalini