Tatoueurs au studio XXX Tattoos à Lucerne, en Suisse, Gian Andrea Signorell nous ouvre les portes des passions qui l’ont conduit à ce style musclé et coloré. Un graphisme très influencé par les dessinateurs européens et américains, mais aussi par la musique, le heavy metal en particulier, et les grosses cylindrées.
Depuis combien de temps fais-tu des tatouages ?
J'ai commencé à tatouer il y a dix-sept ans.
Comment se sont passées ces années jusque là ?
Tout se passe très bien jusqu'à présent. Le tatouage m'a toujours apporté de la joie, des défis et m'a fourni tout ce dont j'ai besoin pour avoir une bonne vie. J'en suis très reconnaissant et je ne considérerai jamais cela comme acquis.
Quel regard portes-tu sur le tatouage aujourd'hui ?
Le tatouage a beaucoup changé au fil des ans. C'est devenu une grande industrie avec beaucoup de gens qui essaient d'en tirer le maximum. Et si tu veux mon avis, je crois fermement que tout le monde ne mérite pas d'être dans le cercle ! Néanmoins, le tatouage a pour moi toujours la même magie que lorsque j'ai commencé. J'espère qu'il en sera toujours ainsi !
Ton travail est très axé sur l'illustration et la bande dessinée.
Oui, tu as raison. J'aime aussi qualifier mon style d'"illustratif" parce que je ne peux pas et je ne veux pas mettre le doigt sur un certain style. Je peux donc faire ce que je veux, ce qui fait de moi une sorte de touche-à-tout. Et puis, venant du heavy metal et du skateboard, j'ai toujours été très attiré par l’action des crânes gore et des flammes qui déchirent la peau. J'ai découvert le groupe Iron Maiden vers l'âge de huit ans, donc tout cela est arrivé assez tôt dans ma vie.
De grands illustrateurs comme Derek Riggs - l’artiste derrière une partie des pochettes de Iron Maiden -, ont contribué à créer des univers graphiques fantastiques autour des musiques extrêmes. Quelle influence ont-ils eu sur toi ?
Je ne serais pas le même illustrateur sans les pochettes de disques de Derek Riggs ! Ces illustrateurs m'ont fait rêver à d'autres mondes et d'autres univers, ce qui a absolument alimenté ma créativité. Et même si je suis un gars plutôt calme et gentil, je fantasme surtout sur des mondes plus sombres. Je ne peux pas te dire exactement ce que c'est, mais les images dark et mystiques attirent toujours un peu plus mes yeux. Ce sentiment que l'on ressent, tu sais...
Ces illustrateurs, sont-ils plutôt Européens et/ou Américains ?
Les deux. Et même si j’apprécie le sérieux de Paulo Serpieri (dessinateur de BD italien, ndr) ou de Frazetta, j'ai toujours aimé les choses folles et amusantes de Francisco Ibaneź par exemple. Le côté américain était dominé par des artistes tels que Bernie Wrightson et Jim Philips. Le travail de Hajime Sorayama vient d'une autre planète et je pense que je n'ai pas besoin de mentionner H.R. Giger.
Tu as parlé de heavy metal, quel rôle joue la musique dans ta relation au dessin ?
La musique a toujours joué un rôle important dans ma vie en général. Mais surtout lorsque je dessinais, elle a toujours été le carburant de mon esprit et de mes mains. C'est une forme d'art très importante pour moi. Je regrette parfois de n'avoir jamais vraiment joué d'un instrument, mais je ne peux pas me concentrer sur trop de choses à la fois. Je préfère en faire moins mais essayer d'y exceller plutôt que d'en faire trop et de les bâcler.
Cette relation trouve-t-elle ses racines exclusivement dans le heavy metal ou aussi dans le punk, le hardcore, etc. ?
Tout cela au début. Et plus je vieillis, plus je m'ouvre à une plus grande variété de styles. Le vieux et le nouveau prog rock, le death metal, le vieux rap et le hip hop ainsi que le blues, le funk, le jazz, et même les ballades... tout ce qui a été fait avec du coeur, vraiment.
En tant que grand fan d'Iron Maiden, que penses-tu des derniers albums ?
Ce groupe représente beaucoup pour moi depuis que je suis tout petit. Mes albums préférés sont ceux qui ont été enregistrés entre 1980 et 1992, bien sûr, et les plus récents sont bons. Je me retrouve toujours à écouter leurs anciens chefs-d'œuvre. Mais j'adore le fait qu'ils soient toujours actifs, qu'ils sortent des disques et qu'ils sautent encore sur scène comme des jeunes hommes et gardent tout cela en vie ! J'ai eu le plaisir de rencontrer certains des membres en coulisses l'année dernière et ils sont aussi gentils que tu peux l’imaginer. Je suis vraiment content d'avoir rencontré mes héros et de ne pas avoir été déçu !
À l’exception du dessin, tu avais d’autres centres d’intérêt, les jeux vidéo, le skateboard ?
Oui, j'ai joué de manière intensive aux jeux vidéo quand j'étais plus jeune. J’ai un peu négligé cette activité au fil des ans mais je l'ai reprise récemment. Ce n'est plus aussi intense qu'avant mais si je trouve le temps de m'y consacrer de temps en temps, c'est plutôt cool. Je n'ai jamais considéré cela comme une perte de temps, car certains jeux peuvent être très inspirants ! J'ai toujours aimé toutes sortes de jeux fantastiques et de courses. Je viens de terminer Ragnarøk, et Wreckfest est le roi du moment hahaha. J'ai fait du skateboard pendant une quinzaine d'années et même si je n'en fais plus depuis longtemps, ce mode de vie est resté en moi. Si je vois quelqu'un faire des flips dans la rue, je ne peux pas regarder ailleurs.
Dans tes tattoos, tu ne t’en tiens pas exclusivement à l’illustratif, tu aimes aussi aller dans le réalisme et la gravure. Est-ce une façon de ne pas s'enfermer dans un style ou l’héritage d’un esprit vieille école, quand les tatoueurs devaient tout faire ?
En fait, j'aime tout faire. Enfin, presque tout. Et je suis également très intéressé par le fait d'essayer de maîtriser une variété de styles. Pour être honnête, mon style personnel n'est pas nécessairement celui que l'on demande très souvent. J'ai été élevé comme une touche-à-tout et tant que je peux gagner ma vie en plantant une aiguille dans la peau de quelqu'un, je suis plus qu'heureux !
Plutôt couleur ou noir et gris ?
Les deux. Bien que le noir et le gris semblent être la voie à suivre pour la plupart des gens en ce moment.
Petites ou grandes pièces ?
Les deux également. Commencer et terminer une pièce en une seule fois et avoir le résultat final tout de suite est tout aussi satisfaisant que de voir une grande pièce grandir. J'aime aussi les différentes approches de la conception d'une petite pièce et d'une plus grande. Et tant que tu as en face de toi un client sympa qui est ouvert à tes idées, je ne me soucie pas vraiment de savoir si c'est l’une ou l’autre.
Tu as récemment étendu ta pratique artistique à la peinture à l'huile. Quelles perspectives ce nouveau médium t’ouvre-t-elle ?
J'ai en fait commencé à peindre à l'huile il y a une dizaine d'années, mais je n'ai jamais eu le temps de vraiment m'y plonger. Lorsque tu commences une peinture à l'huile, tu dois continuer à travailler dessus, sinon tu oublies rapidement comment déplacer tes pinceaux, la consistance de la peinture, etc. C'est alors qu'est arrivé le covid et la période de confinement. Pour la première fois, j’ai eu la chance d'explorer le médium pendant deux semaines d’affilée. C'était comme mon premier jour en tant que tatoueur. Un univers entier s'est ouvert devant mes yeux ! J'ai adoré ! J'essaie de consacrer plus de temps à la peinture à l'huile qu'auparavant, mais c'est encore difficile car cela prend beaucoup de place. Voilà à quoi ressemblent les mois d'hiver pour moi... jeux vidéo, snooker ou peinture à l'huile... Décisions, décisions...
Parlons sports mécaniques, tu fais de la moto sur circuit et tu es fan de belles voitures anciennes. La vie est un cocktail de sensations fortes pour toi on dirait ?
Ha ! Encore un sujet sur lequel je pourrais m'étendre à l'infini ! Les motos et les voitures sont ma grande passion, à côté des choses mentionnées ci-dessus. En fait, j'étais mécanicien moto avant de tatouer, mais contrairement à certains de mes collègues, je n'ai jamais été un mécanicien « né ». Comme hobby par contre, cela m'apporte une grande tranquillité d'esprit. J'ai d'abord participé à des courses de super motos et d'autres engins sur des circuits et maintenant, je suis surtout sur la route, avec deux ou trois visites sur les circuits chaque année pour faire sauter la rouille. J'aime que mes motos soient rapides et modernes, mais quand il s'agit de quatre roues, les vieilles muscle cars américaines sont au-dessus de tout. Rien ne vaut un gros V8 bruyant et inutile ! Et l'ambiance des années 1960 et 1970. + IG : @giantattooer https://www.xxxtattoo.com/ Zürichstr. 42, Lucerne Suisse