De la Russie à Los Angeles, Dmitry Harley vit son rêve américain. En Californie, le jeune trentenaire originaire de Volgograd, arrivé avant la guerre en Ukraine, a ainsi trouvé un terrain favorable pour accueillir ses pièces new-school, une interprétation du style de plus en plus influencé par les anime japonais.
Salut Harley, tu vis depuis longtemps à Los Angeles ?
J'ai déménagé à LA à la fin du mois de décembre 2022. Je suis ici avec un visa de talent O1. J’ai travaillé pour atteindre cet objectif depuis 2018. Et me voici.
Le tatouage c’est une façon pour toi de dessiner sur un autre support ?
Non, au départ je me suis lancé dans le tatouage sans aucune compétence en dessin. Mais quand j'ai décidé que je voulais tatouer, j'ai réalisé que je devais développer cette compétence pour m’épanouir.
Tu étais tatoué?
Oui, j’ai eu mon premier tatouage quand j'étais à l'école. Dans ma ville de Volgograd, ainsi qu'en Russie, la culture du tatouage était très en retard à l'époque. Il n'y avait presque pas de studios pour se faire tatouer. Il était difficile de choisir mais j'ai été conseillé par un maître tatoueur qui m’a donné beaucoup d'informations utiles et j'ai décidé à mon tour d’essayer ce métier. Quelques années plus tard, en 2012, j’ai commencé à tatouer mes amis jusqu’à ne même plus remarquer que j'avais quitté mon travail pour ne plus faire que ça.
Comment t’y es-tu pris pour trouver ton style ?
Au début, l’arrivée d'Instagram a fortement influencé mes choix et la constitution de mon style. Le réseau social ouvrait alors un monde avec une quantité infinie d’informations disponibles. J'ai commencé à suivre beaucoup d'artistes tatoueurs sur ce réseau social mais, au fil du temps, j’ai compris que ce n’était pas forcément la meilleure méthode. Le risque est de devenir la personne que l’on observe.
Qui sont ces tatoueurs que tu regardais ?
Il y en a plusieurs mais je garderais particulièrement : David Mention, Cristian Casas, Oash, Tania Green Vesper, Andrew Biserov, Sasha Akulov, Bastian Blau et Pablo Frias.
Comment arrives-tu au néo-traditionnel avec une thématique asiatique ?
C’est tout récent, il y a seulement deux ans que je développe mon travail dans cette direction. Je m'intéresse beaucoup aux dessins d'animaux habillés en costumes de samouraïs et autres attributs japonais. Mon style change aussi depuis que je regarde beaucoup d'anime. Cette culture était très éloignée de moi, quand mes camarades de classe regardaient "The Death Note » (célèbre anime japonais, ndr), je jouais à des jeux vidéo et je ne comprenais pas pourquoi ils étaient si excités. Mon travail est influencé par de nombreux facteurs : l’équipe avec laquelle je travaille, les jeux vidéo, le cinéma, la culture de différents pays et bien plus encore.
De nombreux tatoueurs voyagent pour échanger et se confronter à d'autres points de vue afin d'apprendre et de développer leur univers. Comment cela s’est passé de ton côté ?
J’ai appris essentiellement lors des conventions de tatouage que j’ai pu faire dans le monde entier, qu’il s’agisse de conseils que j’ai reçus ou des leçons retenues des partages d’expérience. De plus, tu peux rencontrer tes idoles et voir comment elles travaillent. Je ne cesse de le répéter, à tout le monde comme dans mes interviews, les conventions de tatouage ont joué un rôle crucial dans le développement de ma carrière.
Cela explique pourquoi tu réalises régulièrement des pièces collaboratives ?
Pour moi, c'est avant tout un échange d’expérience. En travaillant de cette manière, il est possible de voir quelles techniques utilisent les collègues, ce qui est très intéressant. C'est aussi un échange avec le public et, pendant les conventions, un spectacle pour les visiteurs. À l’arrivée, le résultat est là avec un grand tatouage réalisé dans un temps le plus court possible.
Tu dessines à côté pour des projets personnels ?
Je dessine uniquement mes projets pour mes clients. Je demande seulement à mes clients de me donner une idée du tatouage qu’ils souhaitent et ensuite de me faire confiance.
Comment t’y prends-tu pour aborder une nouvelle pièce ?
J'avais l'habitude de dessiner beaucoup de tatouages dans des poses statiques, mais maintenant j'aime compliquer le travail. J'utilise donc le mouvement des personnages ou, si la pose est trop raide, j'ajoute des détails à la composition, comme des motifs ou des décorations. Je passe aussi du temps à chercher des références pour comprendre la nature du personnage - dans le cas par exemple d'un personnage spécifique - ou à chercher une pose intéressante.
Tu es un bon coloriste, comment as-tu élaboré ta palette de couleurs ?
Oh, vraiment ? Merci. La chose la plus importante à comprendre est que la palette d'un tatoueur façonne son style mais aussi la reconnaissance de son travail. Je pense que j'ai été inspiré par les jeux vidéo, tout y est si coloré et brillant. Il ne m'a pas fallu longtemps pour la trouver et c'est très confortable pour moi de travailler sur presque tous les types de peau. Je vois beaucoup de mes anciens clients avec des tattoos cicatrisés qui ont plus de cinq ans et ils n'ont pas changé. J’évite ainsi les petits détails dans mes pièces afin que cela n’affecte pas leur durée de vie dans le temps.
Quel regard portes-tu la culture du tatouage aujourd'hui ?
Je pense que la culture du tatouage a beaucoup changé au cours des 15 dernières années. C'est déjà une industrie, peut-être pas aussi importante que celle des produits de beauté, mais c’est déjà perceptible. Il y a beaucoup de tatoueurs et de très bons tatoueurs maintenant, cela crée de la concurrence et c'est cool. Sans elle, je n'aurais pas pu réaliser mon rêve et venir aux États-Unis. Aujourd'hui, il n'est pas suffisant qu’un tatoueur, il faut aussi être artiste, photographe, vidéaste, éditeur, spécialiste du marketing. C'est cool, cela me fait avancer. + IG: @harleytattooartist