Après avoir été formé auprès de l’un des plus grands maîtres vivants de l’irezumi, le tatoueur Horimitsu poursuit à Tokyo une voie singulière et originale, entre fondamentaux traditionnels et influences contemporaines.
L’apprenti copie le travail du maître jusqu’à un certain point, comment avez-vous développé votre propre « couleur » après votre formation chez Horitoshi I?
Au bout d’un moment, naturellement et inconsciemment, le trait devient un peu différent. Dans mon travail, je suis les principes du shu-ha-ri, qu’expriment les trois idéogrammes : shu, qui veut dire « garder », ha « briser » et ri « partir ». Autrement dit, il est question de « préserver la tradition », puis de « briser les règles » et enfin de « se transcender en tant qu’artisan ».
Concrètement, comment cela se passe ?
J’ai appris les bases avec Horitoshi I, le maître, dont je conserve l’héritage et les structures de son style : puissant, profond, avec de fines lignes pour le gaku et des touches de blanc éclatantes. Ensuite ma « couleur » vient naturellement, elle représente le ha. Je poursuis aujourd’hui mes études afin d’aller plus haut que le maître, pour le dépasser et ainsi créer quelque chose que personne n’a jamais vu. Ca c’est le ri. Néanmoins, quand je partirai, je veux laisser le trait d’Horitoshi dans mes tatouages. Je veux que l’on sache que mon travail vient de cette famille.
Quelles sont vos inspirations ?
Je m’intéresse à tout, je peux être stimulé par des films, des peintures, des dessins animés. J’essaie aussi de me demander comment Hokusai aurait dessiné les choses que je vois s’il avait pu lui aussi les voir. Je peux lire des histoires anciennes, comme le Suikoden, ou tirées de livres de théâtre Kabuki, mais sans illustration, afin de créer mes propres images ; de la même façon que procèdent les artistes japonais pour la réalisation des estampes.
La culture pop en est-elle aussi une ?
J’adore depuis toujours les estampes mais il existe dans le domaine de l’animation (des anime, ndlr) une technique excellente, une bonne combinaison des couleurs, ainsi qu’un travail sur la lumière et les angles qui m’influence beaucoup. Pour mes compositions, je veux mélanger les thèmes anciens et la technique d’aujourd’hui, afin de créer quelque chose d’unique : mon style. Ce sont mes recherches, elles doivent tenir compte de certains paramètres. J’ai la possibilité de dessiner librement mais en même temps je ne peux pas dessiner n’importe quoi. Il y a des règles en moi, des règles que j’ai sans doute apprises auprès de mon maître, indescriptibles. Par exemple, si je dessine un tigre très réaliste il n’est pas compatible avec le gaku – le fond, donc ce n’est pas bon.
Vous travailliez initialement avec la machine avant d’apprendre la technique à la main, et maintenant ?
Aujourd’hui je travaille à 50/50. Tout dépend des demandes des clients. Les couleurs sont presque toujours en tebori, le fond à la machine. Parfois des clients veulent tout faire au tebori, alors je m’adapte.
Le style japonais est très populaire actuellement en-dehors du Japon. Mais ici, la nouvelle génération s’intéresse-t-elle à la culture traditionnelle japonaise ?
Oui, la nouvelle génération étudie les estampes. Ils s’y réfèrent et de ce côté-là, il y a une transmission de la tradition. Mais ces jeunes tatoueurs copient directement les estampes sur les corps, parfaitement, sans même parfois savoir dessiner. Ce qui, pour nous, l’ancienne génération, n’est pas tout à fait une façon authentique de procéder.
Pourquoi ?
Au-delà des avantages techniques à pouvoir adapter le dessin en fonction du corps du client, l’aspect artistique se perd en quelque sorte. Quand le maître dessine directement sur la peau avec son pinceau, le visage et la forme sont de façon naturelle légèrement différents de l’estampe originale. Cela permet ainsi au caractère du tatoueur de s’inscrire dans le dessin. Dans le travail manuel artisanal il y a toujours un « goût ». C’est important de le conserver. - Contact : Honey Tattoo- Nishiyama BLDG.#102 1-16-36, Ikebukuro, Toshima, Tokyo, Japan. 03-3986-6671 Instagram : http://instagram.com/horimitsu