Inkers MAGAZINE - Tim Stafford

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Tim Stafford

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Interview Tim Stafford

@pascalbagot

Le tatoueur américain Tim Strafford d’Austin, dans l’état du Texas, est à 35 ans un des plus talentueux artistes américains spécialisés dans le style New School. Certains le connaissent déjà pour son passage remarqué dans l’émission de télévision Ink Master. Aujourd’hui, pour Inkers, Tim nous parle de sa passion du dessin mais aussi de sa façon de travailler et ses astuces afin de rester concentré dans un environnement de plus en plus compétitif.

Parle-nous un peu de ton parcours. Tu avais prévu de faire du tatouage ou il est arrivé en cours de route ?

J'ai toujours voulu être un artiste sous une forme ou une autre. Je dessine depuis l'âge de 4 ans, je me souviens même d'avoir dit cela à mon professeur de maternelle à l'école. Je suis 100% autodidacte. Je me suis surtout inspiré des dessins animés du samedi matin, des bandes dessinées, des jeux vidéo et des caricaturistes. Ceci étant dit, je pensais vraiment que ma carrière serait dans l'animation. Mais le tatouage est tombé dans mon escarcelle le jour où j'ai apporté un motif de tatouage que j'avais dessiné dans un studio. Le dessin a suffisamment impressionné le propriétaire et les artistes qui y travaillaient pour m’offrir l'opportunité d'être un apprenti. Le reste appartient à l'histoire.

Ton travail se distingue notamment par les nombreuses caricatures que tu fais des personnalités publiques. Ce que tu rassembles sous le terme "toonicature", n'est-ce pas ?

Oui, c’est ça. Cependant et pour être honnête, je n'ai pas inventé le terme « Toonicatures ». Mais la raison pour laquelle je l'ai adopté, et qu'il convient à mon style, est qu'il existe des différences distinctes entre les caricatures et les dessins animés. J'aime créer des caricatures, comme si un de tes musiciens ou personnages de cinéma préférés avait son propre dessin animé du samedi matin ou sa propre série animée. Lorsque Steven Spielberg est apparu dans Animaniacs ou que Lebron James est apparu dans Space Jam, c'était des dessins animés. Je privilégie le style et la simplification plutôt que l'exagération des traits. Il y a quand même un peu de chevauchement, comme les carrés et les rectangles, et de mon point de vue, techniquement, si toutes les caricatures sont des dessins animés tous les dessins animés ne sont pas des caricatures. C'est pourquoi j'utilise le terme "Toonicatures".

Le New School c’est fun, il n'est donc pas surprenant de trouver des humoristes dans tes dessins, mais il y a aussi des hommes politiques et des personnages historiques. Comment procèdes-tu à la sélection de tes personnages ?

Il y a beaucoup de raisons différentes pour lesquelles je dessine ce que je dessine. Qu'il s'agisse d'un musicien, d'une star de cinéma ou d'une personnalité politique. Qu'on les aime ou qu'on les déteste, tout le monde est libre. Mais j'aime vraiment rester dans l'air du temps. Les figures classiques ont été faites tellement de fois et sont souvent un peu prévisibles. Si je dois dessiner un artiste de rap, les dernières personnes que je voudrais reproduire sont Tupac et Biggie. Je suis un grand fan, je les adore, mais ils ont été fait maintes et maintes fois. Je suis aussi très attiré par l'expression et l'émotion. J'aime donc souvent réinterpréter des scènes et des moments de films qui donneront la même réponse émotionnelle que le film. J'ai toujours été fasciné par la façon dont Disney pouvait créer un dessin animé sur.... n'importe quoi, un couteau et une fourchette. Ils peuvent te faire pleurer en quelques secondes comme s'ils étaient humains, quel que soit ce lien, c'est une grande source d'inspiration pour un artiste comme moi.

Qu'est-ce qui fait un bon dessin animé selon toi ?

Il doit avoir un style cohérent tout au long de l’oeuvre et le personnage doit être crédible, il doit pouvoir fonctionner, c'est-à-dire que ses bras doivent pouvoir se plier et il doit être en capacité de se tenir sur ses jambes. J'aime une bonne interaction dans un dessin animé entre les sujets. Je ne supporte pas les personnages stoïques ou statufiés alors qu'ils devraient se répondre les uns aux autres. Si tu dessines des amoureux, fais en sorte qu'ils aient l'air d'être amoureux. Si un garçon fuit un chien et qu'il est terrifié, peut-on lire la peur sur son visage ? Pour moi, c'est ça un bon dessin animé.

Tu as toujours fait du New School ?

Le New School, que je le connaisse ou non sous ce nom, est la base de mon art depuis le début, depuis que je suis enfant. J'ai joué avec d'autres styles ici et là, mais je suis toujours revenu au New School.

Comment l’expliques-tu ?

En tant qu'artiste j'aime le fait qu’il n'y ait techniquement aucune limite. Je peux créer mon propre monde. Tu peux avoir ainsi une salle pleine d'artistes New School et la variété des variations sera infinie. Le réalisme est lié aux lois de la réalité, sinon il cesserait d'être du réalisme ; les styles traditionnels sont liés aux lois de l'art traditionnel. Ces limites ne sont pas aussi inspirantes pour moi. Cependant, j'ai définitivement utilisé des éléments d'autres styles pour faire avancer le mien.

Parle-nous de tes références, dans quels univers aimes-tu chercher l'inspiration ?

À 90% j'utilise des photos de la réalité ou tirées de films. Si un client demande un chat habillé en savant fou, j'aurai des images de ce chat spécifique, mais aussi de la tenue du scientifique, différents exemples de posture, d'expressions ainsi qu'un éclairage dramatique si nécessaire, le tout pour créer l'environnement complet de la pièce. Je n'utilise pas de références tirées de dessins animés ou de tatouages du même concept.

Quels sont les points sur lesquels tu concentres ta créativité en abordant un nouveau projet ?

J’ai trois listes que je traite en priorité. La première concerne les émotions et les expressions du personnage. Est-ce que je peux me connecter avec le personnage ? Est-ce que je peux ressentir ce qu'il traverse ? Ensuite, il y a le mouvement. L'action est-elle crédible ? Et enfin, il y a l'éclairage et l'ambiance. L'éclairage et la palette de couleurs sont essentiellement la bande-son de la pièce. La bonne palette peut rendre un personnage triste plus triste, un personnage heureux plus heureux. Il est essentiel de maîtriser ces trois éléments.

Les clients sont de plus en plus exigeants quant à l'inventivité de leur pièce. C’est un moteur pour se surpasser ?

Personne ne me pousse plus que je ne me pousse déjà moi-même. J'ai un niveau d'exigence très élevé pour ce que je crée. Si je peux m'impressionner moi-même avec une pièce, alors je dépasse généralement les attentes de mes clients. Sans aucun doute.

Comment procèdes-tu pour aboutir ta recherche sur une pièce ?

C'est un peu bizarre à dire, mais je continue à travailler sur mes pièces en fonction de la profondeur du lien que je peux établir avec elles. Est-ce que j'ai l'impression d'être à côté de ces personnages ? Est-ce que les émotions sont fortes ? Est-ce que tout est clairement compréhensible pour les spectateurs ?

Renouveler tes idées, nourrir ta créativité, comment fais-tu ?

Je m'entoure d'art, de musique, de films et de danse, d'autres formes qui me donnent de l'inspiration. Le fait de voir des créatifs exceller dans ce qu'ils font me donne envie de m'améliorer, de sortir des sentiers battus. Et je suis inspiré par des choses auxquelles je ne m'attendais pas.

Tu as participé à l'émission Ink Master, que retires-tu de cette expérience ?

Ce que j’ai retenu de plus fort c'est que je me sens capable de travailler sous pression. Je savais que je n’étais pas la personne la plus compétitive mais je ne m'attendais pas à ce que je sois aussi performant dans de telles conditions de stress et avec de telles contraintes de temps. + Tim Stafford IG : @2cartoony4me www.timstaffordtattoos.com