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INTERVIEW STOO

@pascalbagot

Après de bons et loyaux services à Nantes, Stoo prenait le large il y a quelques années en direction de l’île de La Réunion. C’est depuis cette terre tropicale éloignée que le tatoueur français nous donne quelques nouvelles du tatouage local, tout en évoquant son parcours et sa prédilection aujourd’hui pour l’imagerie japonaise grand format.

Tu habites depuis maintenant neuf ans à La Réunion, comment ça se passe là-bas ?

La vie est plutôt clémente ! L’île est intense, les paysages et les plages sont juste magnifiques, il fait bon vivre ici. Pour quelqu’un comme moi, très proche de la mer et qui aime aussi la montagne, c’est un bon compromis.

Quelle est la popularité du tatouage sur l’île?

Il commence à y avoir de plus en plus de boutiques, qui plus est avec de bons artistes. Et puis on vit quasiment toute l’année en short et en t-shirt donc les gens aiment bien se montrer. Le culte du corps est quelque chose de très important ici.

Les goûts en terme de motifs diffèrent-ils de ceux en métropole ?

Ils sont assez variés mais leurs ressemblent quand même beaucoup. C’est à dire beaucoup de Marquisien, du graphique et le floral marche bien. Les petits tattoos qui représentent l’île sont aussi très populaires. On a un gros turnover de touristes et ils aiment bien repartir avec un petit souvenir. Enfin, il y a les incontournables motifs d’attrape-rêves, les signes de l’infini, les fleurs de pissenlit, les clés du paradis et autres conneries comme ça lol… non, double lol. Mais c’est vrai !

Tatouage et voyage, c’est un couple qui fonctionne bien ensemble. Tu as beaucoup voyagé grâce au tattoo?

Effectivement mais, malheureusement pour moi de ce point de vue là, je n’en ai pas beaucoup profité. J’ai été papa très jeune et je me suis concentré sur ma vie de famille ainsi que sur les boutiques que j’ai montées. Le voyage relevait plutôt du domaine de la détente.

Tu as bourlingué un peu en France malgré tout ?

Oui, j’ai un petit peu arpenté l’Hexagone. Bosser à droite à gauche m’a permis de rencontrer de belles personnes. Je suis né à Clermont-Ferrand et la première fois que je suis parti pour le tattoo je suis monté à Paris où j’ai rencontré Remy du studio All Tattoo - maintenant à Saint-Vincent de Tyrosse où se trouve son shop La Manufacture du Tattoo -. J’ai travaillé pendant deux ans avec Jimmy Coquelle dans son studio Basic Inkstinct puis je suis descendu dans le Sud du côté de Fréjus rejoindre Julien de Tattoo Styl où je suis resté deux autres années. J’y ai rencontré ma femme et nous sommes remontés à Clermont-Ferrand où nous avons eu notre premier enfant.

En parlant de ton parcours, comment ça commence le tattoo pour toi ?

Le tattoo a croisé ma route en 1994 à Montluçon. Je faisais alors des études de cuisine et lors d’une soirée chez un pote, dans une des piaules, deux gars se tatouaient avec du matos très archaïque : petit moteur de voiture télécommandée, cuillère, stylo Bic et tout le toutim. Au fil de la soirée, l’alcool coulant à flots, les deux compères se sont pris la gueule et le tatoué s’est retrouvé ennuyé, la pièce n’étant pas terminé. Je lui ai proposé de continuer la bousille, ce qu’il a accepté. Ce fut pour moi une révélation. Dès le lendemain matin je suis allé acheter dans un magasin de jouets une petite voiture télécommandée et j’ai commencé à fabriquer mes premières machines à bousille. J’ai fini mes études et rencontré Seb à Clermont-Ferrand qui ouvrait une boutique de piercing. Au culot je lui ai proposé de créer un espace tattoo. Il m’a demandé si j’avais des photos à lui montrer, j’en avais quatre et de mauvaise qualité, mais cela a été suffisant pour le décider à me prendre avec lui. Alleluia ! C’était en 1995 et ce fut le début d’une aventure qui a duré six ans.

Quelles tes références à l’époque?

Filip leu, Grime, BBR, Tin-Tin, Luc la Main Froide, Dimitri HK, Patrick Chaudesaigues, Guicho, Steph D, Vincent Bizzaroid, Timer et bien d’autres. Les débuts sont plutôt cool, on était alors en plein boom du tattoo et du piercing. Les clients se bousculaient à la porte, c’était vraiment une époque géniale. En matière de références, il n’y avait ni Internet ni Instagram, alors on achetait tous les magazines qui sortaient et un maximum de livres à la Fnac. Je me rappelle avoir acheté mon premier bouquin sur la famille Leu du photographe italien Fabio Paleari, qui est longtemps resté mon livre de chevet.

Tu as commencé par faire de tout, aujourd’hui il y a un style sur lequel tu te concentres?

J’ai toujours aimé regarder des photos montrant des grosses pièces japonaises mais à l’époque il y avait peu de demandes. Je rêvais pourtant d’en tatouer ! J’ai pris une bonne claque quand je suis descendu travailler avec Julien à Fréjus, il ne faisait que ça. À sa sauce bien sûr, mais c’était pour moi une expérience fantastique de travailler à ses côtés. Il sortait des corps complets, dans un style incroyable pour l’époque. J’étais fan et je le suis toujours. Maintenant, c’est pour mon tattoo d’inspiration japonaise que les gens viennent me voir. J’aime les grosses lignes et les gros aplats, sur des fonds assez sombres. Visuellement c’est très efficace. Même à dix mètres tu peux lire la manchette d’un mec portant une carpe et une pivoine sur un fond d’eau. C’est ce qui me fait vraiment vibrer.

Tu as toujours la sensation d’apprendre après toutes ces années?

Je pense que l’on apprendra tout le temps, il n’y a rien d’acquis. J’ai la chance depuis presque dix ans maintenant de travailler avec Mathieu, au sein du studio Carry Graphik à Saint Leu, c’est un putain d’artiste, minutieux et créatif. On échange beaucoup ensemble, sur ses pièces et sur les miennes, sur les techniques, les placements. Dans notre shop nous accueillons régulièrement des guests et les échanges sont très cool. Il y a toujours quelque chose à apprendre. C’est important de ne pas rester sur ses acquis. Il faut savoir se remettre en question.

Comment entretiens-tu ton dessin ?

Grâce aux demandes de mes clients. Je bosse beaucoup en grand format. Avec l’arrivée de l’iPad et de tous ces logiciels, il n’y a plus trop la place pour les bons vieux crayons, mais j’aime quand même revenir à mes pinceaux, mes encres et mes papiers coton. Je ne pourrais pas lâcher ça. C’est bon de faire des peintures dans lesquelles tu es libre de faire ce que tu veux.

Quels sont les tatoueurs que tu regardes aujourd’hui ?

La liste est longue… J’aime beaucoup le taf d’Amar Goucem, Barbara Munster, Diao Zuo, Diao Shane, Mike Dorsey, Horiyoshi III, Vlady, Mo Coppoletta, Jee sayalero.

Il y a un motif que tu sembles particulièrement apprécier, c’est le masque et/ou le visage grand format. Tu nous en parles?

C’est vrai que dans les grands formats j’aime tout particulièrement ce motif, qui plus est placé sur le dos, selon moi la pièce maîtresse du corps. J’aime y mettre un seul élément, de façon à ce qu’il se remarque de loin, et puis le portrait s’adapte particulièrement bien à la morphologie d’un dos. + IG : @stoo_ironink_413 IG : @carrygraphik Carry Graphik 1, rue du Trésor Saint-Leu La Réunion