Biberonné aux publications humoristiques du type ‘Fluide Glacial’, Mikado en a conservé l’amour de la bande dessinée et de la franche rigolade. Inévitablement quand il a décidé de tatouer, le tatoueur français s’est tourné vers le newschool, un style autorisant tous les délires créatifs. Originaire de Nantes, Mikado vient de déménager ses buses et ses crayons dans un nouveau studio à l’écart de la Cité des Ducs, afin de préserver sa tranquillité mais aussi faire vivre sa curiosité artistique avec l’organisation d’expositions.
Rapide présentation !
Je m’appelle Mika alias « mikado ». J'ai 48 bougies et je suis originaire de Nantes. Je n'ai plus de cheveux et mes pieds sont de type grec.
Après plus de 15 ans à Nantes, tu viens de déménager à Nort-sur-Erdre, fais-tu partie de ces gens que le confinement a fait quitter la vie en ville ?
Pas particulièrement ! Cela faisait déjà quelques années que je voulais déserter le centre de la ville mais j'avais un bail en cours. Les manifs musclées des gilets jaunes, la sinistrose et le stress ambiant de ces dernières années n'ont fait que confirmer mon envie de me casser, au calme ! Et mon binôme « kico » était dans la même optique !
Tu nous parles un peu de ce nouveau shop ? J’ai notamment vu qu’il y avait une salle d’expo, que pourra-t-on y voir ?
Nous avons fait l’acquisition de ce lieu il y a peu près deux ans, dans le centre de Nort-sur-Erdre. C’est un grand espace très lumineux - cela manquait à l'ancien shop !- avec un accueil assez grand pour y faire des expositions de peintures, de photographies, de tout ce qui peut s'accrocher aux murs avec, en même temps, la possibilité d’accueillir du monde pour des vernissages. La salle tattoo est ouverte (on aime bien partager nos blagues pourries) et j'y bosse avec mon collègue « kico ». Cela fait pas mal d'années que l'on tatoue ensemble et c'est devenu mon « frérot » !
On vous souhaite tout le meilleur ! Revenons à ton parcours et à tes débuts. Tu as récemment posté sur Instagram la couverture d’un vieil annuaire des tatoueurs de 1997. C’était quelque chose qui te trottait en tête depuis longtemps à l’époque ?
Je dessinais les motifs de tattoo pour un pote et je trouvais fun de voir les dessins que j'avais réalisés sur quelqu'un. Quand j'ai fait mon service militaire à Djibouti (dans les années 1990) je suis tombé sur le numéro 1 de Tatouage Magazine qui trainait et le déclic s’est produit ! J'ai été bluffé par la qualité des tattoos modernes ! J'ai trouvé un premier apprentissage aux Sables d'Olonne, mais il n'a pas duré longtemps. Le véritable démarrage s'est fait chez Bruno, chez Atlantic Tattoo en 2003. À la sortie de l'armée je me suis fait tatouer par Yann, de Tattoo Mania à Rennes, qui m'a aussi donné quelques conseils pour démarrer et par ailleurs permis d'acheter mon premier matos à tatouer chez Micky Sharpz ! En même temps, je dévorais tous les magazines qui sortaient sur le tattoo, j'agrandissais même les flashs de Riton visibles au cul des catalogues de la marque Jet France pour avoir une base de visuels ! Comme je suis d'un naturel timide, j'ai mis des plombes avant de m'y mettre !
Concernant ta culture graphique, il me semble que la BD a eu une grosse influence sur toi. Tu nous en parles ?
Mes influences sont très larges, mais la base a véritablement été les magazines genre ‘Fluide Glacial’ ! Les dessinateurs comme Gotlib, Edika, Coyote, etc ... m'ont fait me pisser dessus !!!
Les liens sur ton site renvoient à la culture urbaine, au graff. Quelle place ont eu aussi ces disciplines ?
J'ai découvert le graffiti à mon adolescence mais sans vraiment pratiquer. C'est quand j'ai commencé le tattoo chez Atlantic Tattoo que les tatoueurs présents - Just (aujourd’hui au Mystery Tattoo Club à Paris) et Mache (Manouche Caravane à Bruxelles) - m’ont initié ; ils étaient à fond dedans. Du coup, pas mal de mes potes sont dans le graffiti et quand je vois ce qu’ils font dans le traitement des couleurs, la gestion de l'espace, c'est hyper intéressant ! En ce qui me concerne, je pratique cependant très très peu !
Aujourd’hui tu fais pas mal de pièces dans le style newschool, tu en as toujours fait ?
Il a toujours été le fil directeur de mon travail. Si tu me mets un crayon dans les mains, inconsciemment je vais dessiner comme ça, je ne force pas mon trait. En fait, c'est plus du custom que du newschool, une réinterprétation personnelle du réel influencée par toutes les bandes-dessinées que j'ai décortiquées, recopiées, étant plus jeune. En ce moment dans ce style, les Espagnols envoient du lourd : Victor Chill, Javi Saez, Briel Medina… J’adore regarder ce qu’ils font ! Comme je bossais dans un street shop, j'ai du m'adapter aux styles du moment et savoir un peu tout faire.
C’est quoi une bonne pièce newschool selon toi ?
Pfff, c’est très compliqué de répondre à cette question ! Il faudrait plutôt demander qu'est-ce qu’un bon tattoo ! Autant dans le style Old School, on ne sort pas des codes, autant dans le newschool tout est possible (ça n'engage que moi !). En quelque sorte, c'est voir la réalité sous LSD ! (rires)
Cette grande liberté de création, c’est ça le plus important pour toi ?
C’est tout ce qui nous entoure qui offre une grande liberté de création ! Cloisonner les styles au contraire la restreint. Pour moi, le processus créatif est à la base de ma vie de tatoueur. Sans les dessins préparatoires, le tattoo n'aurait aucun intérêt.
En même temps, tu cultives un certain éclectisme. C’est une façon de rester disponible aux demandes des clients ou une façon pour toi de ne pas tourner en rond?
Comme je le disais auparavant, j'ai appris dans un street-shop où tu rencontrais tes clients et leurs clients quasiment le jour du rdv ! Je peux te dire qu’il fallait être « flexible du cerveau ». Je préfère effectivement toucher un peu à tout et le faire moyennement plutôt qu'exceller dans un seul style. Je ne me sens pas légitime de refuser tel ou tel projet de tattoo parce qu’il ne serait pas mon ‘truc’. Et puis la demande en newschool n’est pas assez importante pour s’y consacrer entièrement. Enfin, tenter des trucs différents, me challenger, cela me botte bien aussi !
Comment restes-tu frais créativement parlant, maintenant que le tatouage custom est devenu la norme ?
Ce n’est pas évident avec les réseaux sociaux qui inondent d'images et de trucs qui défoncent quotidiennement ! Mais je pense qu'il faut relativiser tout ça et avancer à son rythme, ne pas être focalisé 24h/24h sur le tattoo. Les expos, le cinoche, les concerts, l'actualité, tout cela te permet d’apprécier des visions différentes de l'Art en général. Et, pour revenir à ta question, je ne suis pas certain que le custom soit la norme dans le tattoo contemporain. Au contraire, je trouve qu’il se « Pinterise », laissant place à peu de créativité. Coller 4/5 images ensemble pour en faire un tattoo - ce que l'on voit beaucoup (et moi même je reconnais m’y laisse aller parfois...)- ce n'est pas pour moi de la créativité.
Comment les demandes de tes clients ont-elles évolué depuis que tu as commencé?
Comme je touche un peu à tout, la demande est variée. On arrive quand même à orienter les gens vers ce que l'on aime faire - newschool, japonais, réalisme - mais pas tout le temps. Mais là encore, les banques d'images nous mènent la vie dure ! En ce moment, l'hyper-réalisme a la cote. J’imagine que cela a un coté rassurant pour les gens en général. Comme c'est réaliste, c'est forcément bien fait !
Malgré tout, tu sembles cultiver une certaine tranquillité et ta présence sur les réseaux sociaux aussi. On peut être tatoueur aujourd’hui sans poster tous les jours?
Plus je vieillis plus je relativise ! Mon surnom pour mes proches c'est « pèpère », ça ne s'invente pas... Et ma priorité a toujours été ma famille. Donc oui, je ne fais pas beaucoup de conventions, pas beaucoup de guests... Mais ça me va ! En ce qui concerne les réseaux sociaux, j'ai envie de dire que c'est générationnel ! Je maitrise mal et c'est très chronophage. La course aux « likes » est un truc que je ne comprendrai jamais. Cependant, il faut garder en tête que c'est indispensable pour la visibilité de ton travail, on t'oublie tellement vite ! Quand tu vois la multiplication des tatoueurs ces dernières années, il est nécessaire de faire le minimum.
En terme d’outils numériques, quels sont ceux que tu utilises et pourquoi?
Ils sont basiques. Un site internet, Instagram/Facebook pour les réseaux, Procreate et Photoshop pour les logiciels de création. J'ai découvert Procreate avec Ipad il y a quelques années et je trouve que ce sont des outils assez dingues ! Cela te permet une grande souplesse et une grande rapidité d’exécution dans les modifications de dernière minute. Mais, quoi qu’il en soit, je reste fidèle à mes crayons ! + Mikado Tatouages 1, rue François Dupas 44390 Nort-sur-Erdre Tel. : 02 40 20 04 05 www.mikadotattoo.com Instagram : @mikadotattoo