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FatKush

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INTERVIEW FATKUSH

@pascalbagot

Passé par le graff avant de s’immerger dans le travail de la lettre, le tatoueur français Fat Kush nous explique sa recherche artistique, plus que jamais orientée vers le dark et l’abstraction.

Peux-tu me parler un peu de toi stp?

J’ai 33 ans et je viens de Seine et Marne, de Lagny sur Marne où j’ai ouvert un shop après le Covid, situé dans des ateliers d’artistes et où je bosse avec mon meilleur ami : 725 SIDE SHOP. Aujourd’hui j’ai le projet de déménager sur Lyon, affaire à suivre donc.

Quel est ton parcours jusqu'au tattoo?

Assez classique, on va dire école puis BEP électrotechnique… Mais je n’étais pas très scolaire. J’ai surtout appris d’autres choses, comme la lettre dans le graff. Un amour que je cultive depuis que j’ai 14 ans, quand j’ai été happé par le graff, avant d’arriver naturellement au tattoo avec cette envie de continuer à faire de la lettre. Deux disciplines qui en fin de compte se confondent.

Comment cela s’est-il passé?

J’ai toujours voulu toucher à la culture lettering. Quand je me suis présenté chez mon maître d’apprentissage Shooby, mon maître Jedi pendant ces sept dernières années, il m’a fait découvrir les différents styles avant de toucher au lettering.

De quelle manière ton travail de la lettre a-t-il évolué depuis les sept ans que tu tatoues ?

J’ai d’abord beaucoup travaillé le lettering chicanos car j’étais très attiré par la culture chicanos graff lowrider. Je suis allé l’observer moi-même d’ailleurs à San Francisco.

Tu nous racontes ?

Cela remonte à ma première visite au États Unis, pour la Convention de Sacramento, après avoir été contacté par un magazine de tattoo américain qui souhaitait faire une interview. J’y ai rencontré mon pote Joseph, installé là-bas et devenu un très bon ami, qui m’a donné l’occasion de bosser. J’ai fait des allers retours pendant un an et j’ai adoré me mélanger à toute cette culture. J’ai graffé là-bas, manger local, j’étais vraiment immergé dans la culture chicanos. Le milieu tattoo y est différent surtout celui du lettrage. Ça change quand un client arrive et pose son flingue sur le banc !

Techniquement, comment abordes-tu tes pièces ?

Je bosse beaucoup sur mes esquisses avant de tout mettre au propre. Je pars toujours d’une base classique, histoire de mettre correctement en place la composition, la forme des lettres, etc. Pour ce qui est de mon alphabet, il s’agit de l’interprétation personnelle d’un mélange de différents styles et de différentes influences.

C’est difficile de trouver son style avec toutes ces typo disponibles?

C’est une question de démarche artistique, d’affinités avec les styles, les courbes. Et puis c’est aussi instinctif.

Quelles typographies préfères-tu ?

J’aime beaucoup de styles, mais tant que je peux déstructurer et m’approprier la lettre, ça m’intéresse.

Certaines m'évoquent des logos de groupes de black-metal, le dark lettering c'est une exploration de cet univers ?

C’est une grosse part de curiosité, c’est sûr. Je n’ai pas une culture black métal, même si j’ai côtoyé la culture skateboard et que mon père a toujours eu une culture rock, mais décomposer autant les lettres pour moi c’est quelque chose de nouveau et donc intéressant. Rien à voir avec ce que je faisais avant dans le style chicanos. C’était tout nouveau et on a cassé les codes.

Les mots ont une esthétique, variable selon les lettres, leur association, leur nombre. Il y a des mots que tu aimes travailler plus que d’autres?

J’ai mes petites lettres favorites, mais ça restera secret. Du reste, je n’ai pas de mot préféré. Ce que je préfère c’est le challenge de composer avec l’espace disponible pour le tattoo et l’envie de la personne.

La pièce détermine le choix de la typo ?

Elle a un rôle important pour la personne qui porte le tattoo. Le style choisi peut être représentatif ou faire un contre-pied complet. Mais, il est vrai que la plupart du temps je choisis le style en fonction du mot que je tattoo.

Lisibilité ou impact, faut-il choisir ?

Les deux sont très importants je pense mais, en fin de compte, cela dépend de chacun. Je peux avoir un(e) client(e) qui souhaite que cela ne soit pas lisible et un(e) autre, pour qui ce sera le contraire. En ce qui me concerne, je joue avec leur morphologie et leurs envies.

Tous les messages doivent-ils être lus?

Pas forcément. De plus en plus, j’aime jouer avec les formes du corps et les mouvements. C’est pour cette raison que je me suis aussi orienté vers la culture du black lettering et la calligraphie abstraite. Je pense que certains de mes clients cherchent volontairement ce coté illisible et sombre, que j’aime aussi. Il doit cependant rester harmonieux sur le corps.

Quelle est la popularité du lettering aujourd’hui?

Il connait une popularité croissante en France et en Europe depuis quatre/ cinq ans. Au début de mon apprentissage, le lettering était une discipline relativement inconnue en France, contrairement aux États-Unis ou à l’Amérique latine où cette culture de la lettre existe depuis longtemps dans le tattoo.

As-tu des artistes à conseiller à ceux qui souhaiteraient creuser la culture de la lettre?

Déjà, une grosse pensée à ceux qui nous ont quittés ces dernières années et à leurs familles : Norm, Aser one, Abis one, Boog qui étaient aussi bien des maîtres que des pionniers. Je pense que tout est source d’inspiration dans la calligraphie mais si je devais en citer un, je dirais Norm. Il m’a beaucoup influencé dans mon parcours lettering. Lucho Morante est le premier que j’ai rencontré sur la scène française et c’est lui qui m’a donné la force pour tout donner et ne rien lâcher. Sans oublier Big Meas, Edgy letter, Blunt tattoo, Baganos, Gabriel tattoo qui m’inspirent beaucoup dans le milieu. Et grosse dédicace à mes crews born 2 script Krew et criminal lettering.

Tu as gardé le plaisir du graff, comme on peut le voir sur ton insta, peux-tu nous en parler ?

Oui, cela reste mêlé et cela évolue ensemble. Peindre un mur c’est sans contrainte, c’est la carte blanche nécessaire aussi pour faire grandir le tattoo en parallèle. C’est aussi peindre dans un autre format, tard la nuit avec les copains. + IG : @fatkush_mgt