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Dirty Peku

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INTERVIEW DIRTY PEKU

@pascalbagot

Un blase pareil il fallait oser, alors on est allé demander à Quentin - aka Dirty Peku- de nous raconter son histoire. Ce qu’il a fait avec plaisir tout en revenant sur son parcours et sa passion pour la lettre dont il aime se salir les doigts jusqu’à l’excès. Un art dans lequel le tatoueur de Nevers s’autorise toutes les expérimentations, s’inspirant même des maîtres du tatouage japonais pour imaginer faire des body-suits avec les lettres de l’alphabet.

Rapide présentation ?

Hello ! Je m’appelle Quentin alias Dirty Peku et je suis originaire de Nevers en Bourgogne. J’ai 32 ans et j’y bosse en privé dans ma petite grotte, mais principalement en guest dans les shops partout en France.

Où commence ton parcours?

Sans surprise, j’ai toujours plus ou moins dessiné. J’ai fini mes études avant d’avoir le Bac puis j’ai traîné mes pompes dans le bâtiment ou j’ai travaillé comme peintre. J’ai rencontré mon ancien patron-tatoueur en me faisant piquer par ses soins et c’est avec son accord que j’ai commencé à tatouer mes potes à la maison, comme un vieux schlague - sans prendre d’oseille bien évidemment l’objectif étant de se faire la main. En fin de compte, un jour il m’a proposé un apprentissage que j’ai accepté et commencé ( mais toujours pas terminé !) puis, après quelques années, nos chemins se sont séparés. Depuis, je trace ma route pour mes lettres !

Tu as passé du temps dans le milieu du graffiti ?

Non, je viens plutôt du monde de la peinture de lettres. Depuis l’adolescence j’ai toujours peint, de manière plus ou moins régulière selon les périodes - il m’est arrivé de ne pas toucher un spray pendant un an. Je suis débutant dans ce domaine et je respecte tellement mes frères qui jouent dur dans ce game que je ne peux pas me prétendre être ´graffeur’ ! Mais pour un bon vandalisme ou un bon mur légal je suis toujours partant ! La passion de la lettre n’a pas de limite.

Travailler sur des formats variés, cela a-t-il aidé pour ton tattoo?

Travailler sur différents formats (murs, sols, bustes, tables ou encore canevas…) et différentes textures aide à comprendre et surtout à développer différentes techniques qu’il sera possible d’essayer de reporter dans le tattoo. Par exemple les effets de coulures ou d’éclats de spray en graffiti. Reporter l’effet réalisé sur un mur ou un canevas sur le support de la peau, je trouve ça vraiment cool !

Certains tatoueurs se mettent au lettrage parce que dans le studio où ils travaillent quelqu’un doit s’y coller. Comment cela s’est passé pour toi ?

C’est exactement ça ! A la base, même si j’ai toujours dessiné et toujours plus ou moins peint, je ne me prédestinais pas à faire que du letters. Je pensais être plutôt polyvalent. D’ailleurs, je m’intéresse toujours aussi fort à tous les styles de tattoo - sauf l’ignorant style, faut pas abuser ! Hahaha. Et puis, à force de prendre tous les letterings que le boss me laissait taper, je me suis pris de passion, jusqu’à me rendre compte qu’avec vingt-six lettres tu pouvais en taper des milliers ! C’est magique ce truc !

As-tu eu des influences qui ont orienté tes choix dans le type de lettres que tu as aimé travailler?

J’ai été énormément influencé par la culture Chicanos. C’était la grosse folie dans les tattoo mags avec des letters de Boog, de Big Sleeps, de Norm, de Mister Cartoon mais aussi de mon brother Lucho Morante à qui je fais des gros bisous! Je regardais le taff d’autres masters bien évidemment, comme Big Meas, Pierre Oked, Sam Taylor, Edgy … et j’en oublie tellement ! De plus, comme toute la génération dont je suis issu, j’ai toujours été inspiré par la culture hip-hop. C’est toujours le cas d’ailleurs ! Le dernière personne à m’avoir influencé très fort c’est Vincent ABIS ONE le prince du goth style (RIP brother). Je suis fier et honoré d’avoir pu échanger avec lui, sur notre travail et nos familles.

Le côté sale et charbonneux que l’on retrouve dans ton travail - et ton blaze-, il vient d’où?

Mon blase PEKU date de l’entrée au collège. Comme mes initiales sont PQ, tu peux imaginer le plaisir que tout le monde prenait à m’appeler ‘rouleau de papier lotus triple épaisseur´ et notamment ´PQ’. C’était simplement du foutage de gueule, on connait tous la méchanceté des enfants et il fallait y passer. Jusqu’au jour où j’ai claqué un gros vandalisme dans le voisinage du collège, avec mon blase mis en phonétique ´PÉ ´KU ´ et là, bizarrement, tout le monde m’a respecté ! Le côté sale et charbonneux de mon taff actuel viens simplement de mes démons. Je ne contrôle pas trop mon côté ‘wild’, ça sort tout seul !

Le dark lettering, c’est la culture rock qui rencontre celle du graff à travers le tattoo?

Très bonne question! C’est fort possible, on associe toujours le dark lettering aux groupes de dark métal, de hardcore, de rock, etc. En ce qui me concerne, c’est plus la culture graffiti associée au son bien méchant des groupes de hip hop East Coast (Wu Tang Clan, Das EFX, Jedi Minds Tricks …. ) mais aussi West Coast ( NWA, Tupac, Ice Cube, Easy-E … ) qui ont donné l’inspiration ninja et sauvage à mes tricks, à mes flows !

J’ai vu passer un post sur instagram dans lequel un artiste avait écrit : « La calligraphie n’est pas du lettrage ». Qu’en penses-tu ?

La calligraphie n’est pas forcément du lettrage, je suis d’accord avec ça. La calligraphie c’est du texte, mais aussi de l’abstrait, des formes et des mouvements de pinceaux, de marqueurs, de spray, directement posés et adaptés aux supports. Ça donne des bails (des projets) énervés, juste impressionnants à regarder. Du pur graphisme en mode lettering !

Il y a des maîtres dont tu continues à regarder le travail ?

Plus vraiment. Je suis toujours assidûment leur boulot, que j’aime et respecte par-dessus tout, mais j’essaye de laisser ma propre créativité à mes démons et je ne veux pas être influencé par quelqu’un. J’essaie de trouver seul mes propres flows et mes propres lettres. Il y a en ce moment trop de copieurs, de pompeurs qui passent leur temps à claquer les mêmes ‘bails’ que leurs maîtres ou leurs idoles. Ça devient très triste cette absence d’originalité, dénuée de personnalité. Je pense que le meilleur moyen est de montrer aux gars qu’il faut se sortir les doigts du cul. On n’a pas inventé l’écriture mais il y a matière à innover et c’est ce que j’essaye de faire !

Comment se passe le choix de la typo quand tu travailles sur une pièce?

Il s’effectue en prenant en compte les références apportées par mon client. Il me montre plusieurs de mes typo ou de mes compositions, puis je m’adapte à sa personnalité, à la puissance du texte ou du mot en question. C’est pour ça que je travaille uniquement en free-hand. J’essaye de m’adapter au mieux tout en captant la personnalité de mon client! Mais j’ai la grande chance d’avoir une clientèle incroyable qui me laisse carte blanche, du choix de la typo jusqu’à la composition finale ! C’est aussi grâce à eux que j’en suis là aujourd’hui, grâce à la confiance totale confiance qu’ils m’accordent. Je m’éclate tellement fort dans mon travail. Je ne compte pas mes heures, que ce soit en journée, les dimanches ou de nuit, je suis toujours chaud!!

J’ai l’impression qu’aujourd’hui le graphisme a pris l’ascendant sur le message des tatouages. Selon toi, c’est toujours important que les tatouages restent lisibles ?

Oui le graphisme a pris l’ascendant sur la lecture. Si tu veux que ça reste lisible ça le sera, mais sinon, ça ne le sera pas. Le côté graphique permet une grande liberté dans la forme et le placement des lettres, ce que j’aime énormément. Mais surtout, ce que j’aime, c’est que le côté graphique ressorte plus que le message.

Tu aimes expérimenter, étendre les lettres à de grandes compositions - applicables par exemple à des body-suits. Tu t’inspires d’autres univers pour alimenter ce genre d’idées ?

J’aime de plus en plus éclater les lettres de façon démesurée et avec des placements improbables. Pour cela, je regarde énormément les maîtres japonais, je suis un très grand fan de leurs body-suits, des placements et des compositions. Il y a dans le style japonais quelque chose qui m’inspire beaucoup, au niveau des formes et de la dynamique du tattoo. J’ai aussi beaucoup de chance de travailler aux côtés de Monsieur LUCAS SOUMILLE (@ls_tattoo ), qui est pour moi le meilleur artiste français dans le style japonais de sa génération. Il me motive et me donne la force de claquer des bails sur-furieux. J’ai aussi la chance de passer du temps avec plein de gens dans le milieu qui m’inspirent beaucoup, peu importe leur style. Le côté humain est aussi une importante source d’inspiration. Les bons moment passés ensemble autour d’un verre , d’une bonne bouffe ou d’une bonne grosse biture sont précieux !!

Dans ta pratique artistique, quels sont les autres mediums dans lesquels tu aimes t’exprimer?

Tout ce qu’il y a est bon à prendre ! Dédicace à ma Famille , ma femme et mes enfants qui me supportent depuis les premiers jours. Dédicace à mes Krew : le Born 2 Script , le Criminal Lettering , sans qui je ne serais sûrement pas là ou j’en suis aujourd’hui ; à mes frères toujours présents dans les bons et les meilleurs moments, ceux de doute comme de remise en question. À mes frères partis trop tôt. + IG : @peku_quentin