Passé par le graphisme avant de finalement devenir tatoueur, Leguyt s’éclate aujourd’hui dans un style néo-réaliste exclusivement en noir et gris. Le Français originaire de Nantes ne souhaite pour autant pas s’enfermer dans un seul registre. Véritable touche à tout, il entretient ainsi l’envie d’aborder d’autres univers, afin de parfaire technique et savoir-faire.
Salut LeGuyt, on commence par une petite présentation ?
Salut, je m’appelle Tanguy, j’ai 34 ans et je suis de Nantes. Je suis d’origine bretonne (Finistère Nord) mais j'ai grandi et suis resté fidèle à ma région Nantaise.
Depuis quand dessines-tu?
Je dessine depuis très longtemps. Ma mère a la fibre artistique - elle a fait les Beaux-Arts)- et m’a donc transmis la passion du dessin, de la sculpture et bien d’autres choses encore. Toute ma jeunesse j’ai baigné dans la peinture abstraite, la culture pop-art et le cubisme. Aujourd’hui je reste encore influencé par Kandinsky, Juan Miro, Claude Monet, Andy Warhol… Après le collège, je me suis tout naturellement tourné vers des études artistiques avant de faire mes études supérieures dans le graphisme. Une fois terminées, la vie professionnelle m’a fait comprendre que j’étais plus illustrateur que graphiste. C’est là que j'ai commencé à démarcher le monde du Tattoo.
Comment le découvres-tu justement ?
Avec les premières conventions de Nantes qui se situaient à la Trocardière. La convention de Nantes est une des conventions que j’apprécie le plus et c’est aussi l’une des plus grosses que j’ai fait pour le moment. En 2021 j’ai été vraiment honoré de réaliser leur affiche. Comme il y a un gros niveau de tatoueur ça me pousse à me dépasser.
À quel moment sais-tu que tu veux en faire ton métier ?
Quand une amie m’a poussé à présenter mon book. Je ne me sentais pas légitime d’accéder à ce milieu mais, après avoir proposé ma candidature à plusieurs salons, je suis tombé chez Bastartz Tattoo à Nantes qui m’a fait l’honneur de me prendre en apprentissage. C’est lui qui m’a aussi appris les valeurs et les ficelles du métier. Quelques années plus tard, nous avons créé ensemble Le Sanctuaire Tattoo Shop à Nantes, et puis au bout de trois ans j’ai eu un enfant, en conséquence de quoi j’ai pris la décision de me rapprocher un peu de chez moi. J’ai travaillé pendant un an avec Kubiak chez Hara-Kiri Tattoo à Saint Philbert de Grand Lieu et aujourd’hui je suis actuellement résident chez Numta Tattoo à Montaigu.
Parle-nous un peu de ta culture graphique.
Je l’ai développée au cours de mes années d’études de graphisme où j ‘ai rencontré beaucoup d’artistes. Elle s’est aussi développée en regardant des bouquins d’illustration style Artwork. Pendant quelques années j’ai aussi été attiré par tout le milieu du graffiti. En fait, même étant petit, je n’ai jamais été un grand lecteur mais j’ai toujours aimé les illustrations qu’on trouvait dans les livres, alors finalement tout m’intéressait.
Cela explique-t-il aussi que tu travailles aussi bien dans un style illustratif que dans le réalisme ou le japonisant ?
C’est vrai que j’essaye de toucher un peu à tout ! Je suis curieux des techniques de chacun et je suis attiré par tout ce qui se présente à moi : j’aimerais savoir tout faire ! Et puis j’aime bien tester, apprendre de nouvelles méthodes pour faire évoluer mon tatouage. Ça me permet de trouver de nouvelles textures, de mixer plusieurs styles (comme le japonais et le réalisme par exemple). Je ne suis fermé à aucune technique. Pour moi, tout est bon à prendre pour évoluer. À côté de ça, j’aime toujours les compositions Neo traditionnelles et je tiens à créer, dessiner, chaque projet que je réalise. Ça me permet de raconter une histoire. Mais quelle que soit la technique, mon objectif est en définitive d’obtenir un résultat qui mette en avant le corps de mon client.
Les tatoueurs d’avant étaient polyvalents, ce qui se perd aujourd’hui. Les anciens avaient-ils raison ?
Les tatoueurs d’avant étaient très polyvalents car ils étaient peu nombreux. Mais aujourd’hui le Tattoo s’est démocratisé et il y a de plus en plus de tatoueurs et donc de plus en plus de talents. Les deux « époques » ne sont pas vraiment comparables. Personnellement, si je ne me sens pas capable de faire un tatouage qui me satisfait, je préfère l’envoyer vers un confrère qui le fera bien mieux que moi.
Peut-on être bon dans tous les styles ?
Oui, on peut être bon dans tous les styles. Comme dans tout corps de métier, il y a des gens exceptionnels qui arrivent à tout faire. Mais il ne faut pas oublier que ça ne concerne qu’une petite minorité de personnes. Donc, se contenter d’être bon et de maîtriser un style c’est déjà très bien.
Le noir et gris te sert aussi bien à l’illustration, au réalisme qu’à faire du japonisant. C’est pour sa polyvalence que tu l’apprécies?
Non, en fait c’est bien plus simple : je ne dessine quasiment jamais en couleur. Je n’ai pas cette vision chromatique, je n’arrive pas à associer les couleurs entre elles pour en faire quelque chose d’esthétique. Du coup, je préfère me concentrer sur le noir et gris en travaillant au maximum les textures et les contrastes, ce qui représente déjà beaucoup de travail.
Comment décrirais-tu ton univers, dark-rétro-ornemental ?
C’est vrai que c’est compliqué à identifier. Comme c’est très illustratif mais que je mets beaucoup de textures pour obtenir un rendu semi-réaliste, je pense qu’on pourrait qualifier mon travail de Neo réaliste.
As-tu des références privilégiées pour ton inspiration?
Forcément, il y en a même beaucoup et avec les réseaux sociaux, j’en ajoute presque tous les jours. Je n’ai pas forcément d’artiste privilégié puisque tout - ou presque - m’intéresse. En fait, je me constitue de grosses bases de données d’illustrateurs et de tatoueurs dans lesquelles je viens chercher de l’inspiration lorsque je dois créer ma composition du jour. Donc je ne citerai pas de nom en particulier… ça m’évitera aussi d’en oublier !
Tu aimes travailler de grandes pièces élaborées, quelle quantité de travail représente la préparation et la réalisation de l’un de ces projets?
Oui, j’aime beaucoup travailler des grandes pièces car comme je le disais j’aime raconter une histoire. Le temps d’exécution est très compliqué à jauger : je dirais qu’en fonction des éléments donnés par mon client, de la zone à tatouer, de la recherche d’images, du temps d’inspiration et du temps nécessaire à la réalisation du dessin, cela peut varier entre un à trois jours.
J’aime beaucoup ce tattoo, celui qui représente une histoire d’amour entre une sirène et un marin en forme de clin d’oeil à la culture tattoo et aux vieux flashs. Peux-tu nous en raconter l’histoire ?
Les histoires des tatouages sont propres à chacun de mes clients et je me contente d’essayer de les retranscrire en dessin. Mon client m’avait donné ces éléments : un petit bateau de pêche dans une mer agitée, un vieux marin happé par des sirènes, avec le regard d’une personne qui accepte sa fin, et des sirènes styles créatures des fonds marins. L’univers de la mer me parlait beaucoup de part mes origines bretonnes, mais j’aime surtout le défi de raconter de nouvelles choses à chaque pièce.
Quel intérêt portes-tu à l’histoire du tattoo? As-tu des références en particulier, des icônes personnelles?
Je trouve que l’histoire du Tatouage, de ses origines jusqu’à l’évolution d’aujourd’hui, est assez extraordinaire et quand j’ai commencé dans le milieu je voulais absolument apprendre à tatouer avec des machines traditionnelles. Aujourd’hui, j’aimerais savoir souder mes aiguilles. Je pense que c’est une bonne chose de savoir d’où l’on vient avant d’évoluer. Ensuite, en matière de machines traditionnelles, j’étais fan des machines de Bruno Kea.
Tu as d’autres terrains d’expression artistiques que le tatouage?
Bien sûr. Quand j’ai du temps (ce qui est de plus en plus rare) je fais de la peinture. À certaines périodes, j’ai sculpté sur du bois, taillé de la pierre, fait de la gravure, de la sérigraphie, de la poterie,… en fait toute matière est intéressante à travailler et j’aime bien toucher à tout. + IG : @leguyt_tattoo Numa Tattoo 7 Rue de la Marine Royale, 85600 Montaigu-Vendée www.numta.com