Inkers MAGAZINE - Ove Skog "Doc Forest"

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Ove Skog "Doc Forest"

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Ove Skog "Doc Forest", 1944-2018

Texte et photographies Manfred Kohrs, Institut pour l'histoire du tatouage allemand et collection de tatouages Kohrs.

Pour Inkers, le tatoueur allemand Manfred Kohrs revient sur le parcours d’Ove Skog alias « Doc Forest », touche à tout de génie, mais aussi pionnier du tatouage en Suède, malheureusement décédé en 2018.

Jan Ove Gunnar Skog, né le 7 juillet 1944, était, comme sa famille l'a écrit dans sa nécrologie, un touche-à-tout. Il était connu en Suède pour être un créateur en tout : des hot rods aux guitares, en passant par les machines à tatouer, il était aussi créateur de vêtements. Mais, il était surtout connu comme le plus grand pionnier du tatouage en Suède. En sa mémoire, j'ai rassemblé quelques faits pour vous donner un petit aperçu de la vie mouvementée et colorée de ce personnage incontournable.

Lorsqu’Ove Skog entend parler du tatouage pendant ses années scolaires, il est immédiatement emballé et commence à se tatouer, ainsi que quelques-uns de ses camarades de classe, avec des aiguilles à coudre attachées ensemble et de l'encre. Bien plus tard, au printemps 1961, Skog s’engage comme marin et le tatouage accompagne ses voyages. Pendant plusieurs années, Skog se tatoue à la main, avec trois aiguilles sur un manche de crayon. Puis, par hasard, il rencontre un tatoueur au Sri Lanka. Celui-ci possède une machine à tatouer mais aussi plusieurs couleurs et ce tatoueur est par ailleurs disposé à lui transmettre l'adresse d'un fournisseur américain. À la suite de quoi, Skog peut commander son propre équipement professionnel.

En 1968, Skog s'engage comme marin et il rencontre rapidement un fan de tatouage suédois dont le nom est Alvar Blomqvist – plus tard, il soutiendra Skog. Cependant, Skog a du mal à faire décoller son activité de tatoueur. Cela s'explique en partie par le fait que la réputation du tatouage à l'époque est encore très négative, même en Suède, mais aussi par le fait que les tatoueurs de l'époque gardent farouchement leurs secrets professionnels. En 1971, Skog et Blomqvist voyagent ensemble en Europe et rendent visite à plusieurs tatoueurs actifs, des connaissances de Blomqvist. Ils vérifient également s'il existe ou non une interdiction claire du tatouage en Suède - ce qui n'est pas le cas comme ils finissent par l’apprendre. Toutefois, un projet comme celui d’ouvrir un studio doit être examiné par le Conseil national de la santé. Après un examen réussi des autorités, Skog ouvre en fin de compte, le 5 mai 1972, le studio de tatouage "Doc Forest" à Aspudden, près de Stockholm.

Son nom d’artiste a été choisi à partir de celui d'un tatoueur américain qui se faisait appeler Doc. Quant à Forest, c’est une traduction de son nom de famille Skog. (Skog en suédois signifie « forêt » en anglais). En 1973, Skog est invité à une exposition de tatouage à Tokyo avec quatre-vingt-dix autres tatoueurs internationaux. Skog est cependant le seul à accepter l'invitation, ce qui lui vaut un respect considérable de la part des Japonais. Ce respect deviendra très important pour le jeune Suédois par la suite. Skog a pu ramener une grande quantité de motifs japonais en Suède et il les utilise ainsi dès les années 1970, les combinant parfois avec d'autres styles.

En 1975, Skog participe également au Tattoo-Treff de Hambourg, auquel Theodor Vetter (Tattoo-Theo) l'avait invité. Au cours des années suivantes, on le voit dans presque toutes les conventions en Europe et aux États-Unis. Il se remarque par ses vêtements distinctifs qu’il a, bien sûr, lui-même conçus. Dans les années 1980, l'intérêt et l'acceptation du tatouage dans la société s’améliorent. À la même époque, le virus du VIH fait toutefois son apparition en Suède et M. Skog se retrouve très préoccupé par la réputation et l'hygiène du secteur - sans parler de la santé de ses clients -. Il contacte le Conseil National de la Santé et du Bien-Être afin qu'il élabore une réglementation et mette en place des contrôles pour les tatoueurs. Vers 1986, inspirée par le modèle californien, une nouvelle réglementation voit ainsi le jour en Suède, à laquelle M. Skog contribue largement.

En 1991, Skog est contacté par la clinique Karolinska (Université Royale de Médecine) qui voulait essayer une nouvelle méthode de tatouage des mamelons sur des patientes atteintes d'un cancer du sein. Ove Skog adopte la méthode du tatoueur allemand Horst Streckenbach, qui connaît un grand succès en Suède. Dans ce contexte, Ove Skog organise des séminaires pour le département de la peau de l'Institut Karolinska à la fin des années 1990 afin de former à cette méthode de tatouage les étudiants en dermatologie. Ove Skog est l'un des fondateurs de SPT (Swedish Professional Tattooists) à Västerås en 1991, une association qui a ensuite été réorganisée et enregistrée comme organisation professionnelle SRT (Sveriges Registererade Tatuerare) en 2007.

En 2014, Skog, alors âgé de soixante-dix ans, décide de lever le pied et, au lieu de tatouer à plein temps, souhaite se la couler douce et se concentrer davantage sur ses hobbies ; comme la construction de hot rods, de guitares et de machines à tatouer. Malheureusement, il ne connaît cette phase que trop brièvement. Ove Skog décède le 25 juin 2018 dans sa ville natale. Le pionnier du tatouage Ove "Doc Forest" Skog disparaît après une longue bataille contre le cancer, comme cela est confirmé par sa fille Jessica à Aftonbladet Stockholm. Cependant, le studio de tatouage de Doc Forest poursuit son activité, dans le respect et l’exigence de l’esprit initial grâce à son gendre et ancien apprenti, Valter.

Ove Skog avait commencé à essayer d'intéresser le Conseil Suédois de l'Artisanat à une description du poste de tatoueur dès 1998. En 2018, le SRT, dirigé par Ove Skog, avait élaboré une description de poste sanctionné par un examen final de compagnon pour les tatoueurs. En novembre 2018, douze maîtres et trois compagnons tatoueurs ont pu recevoir leurs certificats de maître et de compagnon, respectivement, à l'hôtel de ville de Stockholm - une première dans le monde. Ove Skog reçoit le certificat de maître à titre posthume, étant donné qu’il est décédé quelques mois plus tôt. R I P Doc Forest Texte et photographies Manfred Kohrs, Institut pour l'histoire du tatouage allemand et collection de tatouages Kohrs.

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