Inkers MAGAZINE - [HARLEY FLANAGAN- HARDCORE STORY]

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[HARLEY FLANAGAN- HARDCORE STORY]

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[HARLEY FLANAGAN- HARDCORE STORY]

par Pascal Bagot

Qui se souvient dans les années 90 des photos de Harley Flanagan, le bassiste du groupe de harcdore américain Cro-Mags, exhibant sur son torse nu un spectaculaire tatouage entre diable et gargouille ? Après un concert hallucinant en streaming live pendant le confinement du Covid-19 intitulé The Quarantine Show, il nous en dit plus sur ce classique du tattoo. En attendant la sortie du nouvel album du groupe prévu en juin.

Harley Flanagan ne manque pas de ressources ni de talent. En 2016, il laissait éclater ses qualités d’auteur avec la publication de son autobiographie (Hard-Core : Life of my own, chez Feral House, en anglais). Véritable bombe littéraire, le livre retrace brillamment l’évolution de ce personnage hors du commun, enfant du Flower Power devenu l’un des créateurs de la scène hardcore à New-York au début des années 80. En 444 pages, il raconte son destin hallucinant, entre hippisme et fin du punk, son adolescence dans le quartier du Lower East Side à Manhattan, la formation de la scène NYHC, les bastons, les drogues, ses croyance Hare Krishna, jusqu’à l’explosion de son groupe, Cro-Mags, après plusieurs albums dont l’historique The Age of Quarrell. Aujourd’hui seul détenteur du nom du groupe, il est plus actif que jamais Faut-il vraiment s’en étonner ? Comme il aime à le rappeler, ce dur à cuire « n’abandonne pas ».

Ce tatouage sur la poitrine est un classique, peux-tu nous raconter son histoire ?

J’avais 15 ans quand je me le suis fait faire au Canada. Pour y aller j’ai fait le trajet depuis New-York en autostop. Je savais déjà ce que je voulais et le dessin était choisi. C’était à l’origine un motif de la tatoueuse américaine Kari Barba, et quand Normand Demers -tatoueur au shop ‘Tatouage de Quebec’ à Montreal- l’a vu il m’a dit : « Regarde plutôt celui-là ». Il m’a alors montré une version légèrement modifiée et personnalisée du dessin. Quand je l’ai vu, avec un grand sourire, je lui ai répondu: « Fuck yeah ! ». Ce diable se saisissant du monde rejoint le thème de sa destruction développé dans l’album The Age of Quarrell. J’ai souffert un petit peu pour l’avoir parce qu’il nous a fallu 16 heures pour le faire étalées sur une période de quatre jours. Normand voulait espacer les sessions et donner du temps au corps afin qu’il puisse récupérer, mais je ne pouvais pas attendre. Et puis, quand tu as 15 ans, tu peux encaisser à peu près n’importe quoi.

Le tatoueur savait-il que tu étais mineur ?

Je pense qu’il n’a pas réalisé que j’étais aussi jeune. C’était sans aussi du au fait j’avais déjà d’autres tatouages. Je m’étais fait faire celui-là (le crâne au gibus) par Bob Roberts qui était un tatoueur connu à l’époque. Nous l’avons fait à New-York, alors que c’était complètement illégal. Donc quand je venais voir un tatoueur et que je lui disais que Bob m’avait tatoué, la porte s’ouvrait automatiquement. Ca voulait dire que j’étais réglo et que j’étais cool. Les gars se disaient : « Si Bob t’as tatoué, alors je peux le faire aussi ». Mais le tatouage du démon a été le premier gros tatouage que j’ai eu. Et je ne te raconte pas la gueule qu’a faite ma mère quand elle l’a vu. (rires)

La pièce que tu as dans le dos est aussi très impressionnante, que représente-t-elle ?

Au premier plan c’est moi en train de faire un doigt d’honneur à la Mort., avec dans le fond une explosion atomique qui s’abat sur New York. Je l’ai fait dans les années 2000, chez un tatoueur qui travaillait à la maison. En fait, il a été commencé par un premier gars mais c’est un autre qui l’a terminé. Enfin… en partie, disons que c’est un sacré bordel, une sorte de… collaboration (rires). Ici sur le poignet, j’ai un mantra pour me rappeler que le monde ne se limite pas à une enveloppe physique temporaire. La mort est inévitable. C’est un peu la même idée que l’on retrouve dans le tatouage de cette jolie fille dont la moitié du visage est en décomposition.

A quoi correspondent les étoiles tatouées sur les phalanges de ta main droite ?

Ce sont les dernières choses que tu voyais avant que tu ne prennes mon poing dans la tronche. Le dernier que j’ai fait, sur mon flanc, est un portrait des mes enfants en kimono avec le logo de la famille Gracie (Harley est instructeur de Jiu-Jitsu brésilien dans l’une des académies Gracie, à New-York) en arrière-plan. A l’époque tu avais bien de la chance de pouvoir trouver un job avec des tatouages. Il te fallait oublier tous les emplois en lien avec des enfants ou avec le public. Aujourd’hui ça a bien changé, tout le monde en a, mêmes les professeurs d’école !

A l’époque, la scène hardcore se tatouait-elle beaucoup?

Putain non, j’étais l’un des premiers à New-York à en avoir partout. J’ai toujours aimé ça. Quand j’étais petit j’avais toujours l’habitude de dessiner sur moi. Je viens d’en bas, et les tatouages ont toujours représenté les bas-fonds, pas seulement les criminels mais la face cachée de la société. Quand j’étais gosse, tu ne pouvais pas te faire tatouer, il n’y avait pas de studios dans lesquels te pointer pour te faire piquer le cou. Il fallait que tu fasses partie de cet autre monde, rien que pour savoir à qui t’adresser. Les fans de la scène vivaient avec leur famille dans les quartiers du Queens, de Brooklyn… En-dehors du quartier chaotique du Lower East Side. J’ai vécu une vie beaucoup plus dure qu’aucun d’entre eux. Vinnie Stigma (guitariste du groupe Agnostic Front) vivait avec sa mère dans Little Italy. Aucun de ces gosses n’a eu une expérience comme celle que j’ai vécue en grandissant dans la rue. C’est une partie de la raison pour laquelle on me respectait et certains me prenait comme exemple : j’étais honnête. Tandis que la plupart d’entre eux faisaient un peu semblant.

Roger Miret and Vinnie Stigma de Agnostic prétendent aussi être parmi les premiers à se tatouer.

Oui, ils se sont tatoués après que je sois rentré du Canada. Roger avait un petit tatouage sur le poignet. Je me souviens de sa réaction quand j’ai découvert ma poitrine, il a écarquillé les yeux et a fait : « WAOW ! ». Henry Rollins n’en avait pas non plus quand j’ai commencé à m’en faire. Pas plus tard que l’été suivant tout le monde avait des tatouages. Mais, ce n’est pas un concours de queue, même si les choses se soient passées ainsi.

Ton autobiographie est à ton image, sans fioriture. A quoi t’attendais-tu en la publiant ?

Très sincèrement, je pensais avoir bien plus de retours négatifs. Je fais voler le mythe en éclats en quelque sorte, je lève le voile sur les tas de merde que sont en réalité plusieurs personnes de cette scène hardcore new-yorkaise. Et aucune n’est venue le contester. J’imagine qu’en fin de compte tu ne peux pas te soustraire à la vérité. J’ai par contre reçu beaucoup de compliments et des félicitations de la part de gens avec qui je suis allé à l’école : « Mec, tu as tellement bien décrit ce quartier du LES, tu l’as fait revivre. Personne d’autre que toi n’aurait pu le faire aussi bien ». C’était fort, j’avais l’impression d’avoir réussi quelque chose. Je voulais donner un aperçu de l’expérience que c’était de vivre à cette époque. J’ai failli me faire tuer, je me faisais agressé dans les rues parce que j’avais un look différent, je volais de la bouffe pour me nourrir parce que je n’avais pas d’argent pour m’en payer. Ca c’est la vie que j’ai vécue. Links : http://www.harleyflanagan.com http://feralhouse.com/hard-core/