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Paul Anthony Dobleman

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Paul Anthony Dobleman - Un traditionnel noir à la ligne nette et solide

Interview: Tiphaine Deraison / Visuels : Paul Dobleman

Avec 15 ans de pratique, Paul Dobleman a rejoint Black heart Tattoo à San Francisco en octobre dernier. Anciennement dans l'équipe de Spider Murphy, il encre un tatouage d'un pur classique traditionnel américain. En lorgnant sur ses flashs, enchaînés de main de maître au Mondial du Tatouage, on désespérait d'attraper cet oiseau rare avant son départ. Il dessine les contours d'un traditionnel classique, puissant et inspiré par ses prédécesseurs. Solides, ses tatouages ont une profondeur on en voit peu.

Peux-tu me parler de Black Heart Tattoo : quand as-tu commencé à y tatouer ?

Le légendaire Black Heart Tattoo se trouve à San Francisco, en Californie. Il appartient à Scott Sylvia et Jeff Rassier. J'ai commencé à travailler à plein temps chez Black Heart en octobre 2019.

Auparavant tu tatouais à Spider Murphy...comment c'était ?

Le shop est une sorte de grand hall où l'on fait tout ce qui tourne autour du classique traditionnel américain. Il y a beaucoup d'influences avec des murs remplis de flashs et de cartes postales. Tout ce qui tourne autour du tatouage de marins. Les gens qui y travaillent maintenant sont Théo Mindell, A. Hodges, Laurent Trelaun, Bryan Randolph, Aaron Hodges, Jay Watkins, Jeremy Lyn Kimzey tout le monde a un style un peu différent. Certains sont inspirés par des choses mystiques, d'autres marines... mais tout est à peu près basé sur la même imagerie. J'ai découvert Spider Murphy car je suis originaire de San Francisco et que le shop se situe vraiment tout près de là où j'ai grandi. Quand j'ai commencé à tatouer - à 25 ans - et à aimer le traditionnel, j'ai effectué pas mal de recherches et je trouvais le travail de Spider Murphy vraiment cool. Leur manière de dessiner des tatouages traditionnels, est faite selon les codes de vrais classiques. J'ai déménagé de San Diego, où je vivais à l'époque, pour revenir travailler dans la baie de San Francisco.

Tu fais partie d'un tatouage traditionnel « bold », lignes grasses, qui t'a montré la voie et pourquoi ?

La première personne à m'avoir inspiré un quelconque intérêt pour le tatouage classique a été Mikey Slater (1920 Tattoo, Helen GA). Il me tatouait et je lui demandais souvent des retours sur mon portfolio. Il était toujours honnête et cela m'a vraiment aidé à mes débuts. Quand je suis arrivé à Spider Murphy, Théo Mindell était et est toujours un mentor extraordinaire pour moi. Il m'a beaucoup appris sur l'art et le dessin. C'est un artiste extraordinaire.

J'ai remarqué que tu as un tee-shirt des Damned ! Tu es aussi musicien comme Théo Mindell ?

Je ne joue pas dans un groupe...je fais des tattoos flash à la place. Mais j'adore la musique. J'ai grandi en écoutant du punk rock et un peu de métal. Vivre en Californie du sud, implique que tu sois très entouré par la musique punk. Je faisais partie de tout cela. Je faisais du skateboard et j'écoutais du punk en peignant. Maintenant, j'écoute un peu de tout. Du rock classique au Rock'a' Billy 60's.

Pour revenir à tes débuts, as-tu toujours pensé devenir tatoueur ?

Je me suis toujours intéressé au tatouage. Quand j'étais jeune d'abord puis quand j'en ai eu l'opportunité. Devenir tatoueur s'est annoncé comme une option et le tout s'est bien goupillé. C'était une décision importante mais j'ai toujours été admiratif de ce milieu car mon père peignait des motos. Je traînais des heures avec lui autour des engins et j'admirais son travail sur des motifs gravitant autour du tatouage. Donc ça paraissait logique pour moi de tatouer. Alors que quand j'étais vraiment jeune, je ne savais pas comment m'y impliquer. J'ai pris mon temps et attendu pour que le bon moment se présente.

Qui d'autres admires-tu dans le métier ?

J'admire beaucoup de gens différents et ce pour plein de raisons variées, mais je pense que Mindell a été une influence très importante sur mes tatouages. Mais également des gens comme Henning Jorgensen ( Royal Tattoo Gallery, Helsingor, Danemark) qui sont vraiment enthousiastes à l'idée de tatouer. Même s'il exerce depuis très longtemps, il ne s'ennuie jamais et a cette façon d'aborder chaque tatouage avec enthousiasme. C'est inspirant d'être autour de gens comme lui. Ces mecs-là motivent d'autres tatoueurs avec eux et le métier a de quoi rester vraiment passionnant.

Et ton style, comment le décrirais-tu ?

J'aime que mes tatouages soient des classiques colorés très simplement. De manière épurée. D'ailleurs, pas mal de mes artworks ne sont pas très colorés. Je ne suis pas très doué pour faire des trucs très délirants, « rocky » ou psychédéliques. Je suis plutôt du genre à faire de jolis visages ou des bateaux cool que je travaille pour qu'ils soient des classiques sympas. C'est ce que je fais en général.

Penses-tu un jour te lasser du traditionnel américain ?

Non, je ne pense pas. Il y a tellement de sujets différents à faire et c'est ce que j'aime. C'est très varié. Je fais aussi du japonais et du black and grey, mais pas régulièrement car la plupart du temps les demandes des clients reviennent aux tatouages old school de marins et ce qui s'en rapproche. C'est ce que je fais le plus et c'est l'imagerie que j'adore recréer : tout ce qui vient du traditionnel. Donc, non, je ne risque pas de m'ennuyer !

Quel est ton processus de création ?

En général, je planifie beaucoup. Quand j'ai pu constater que ça s'adaptait bien au corps, je dessine les différentes parties de la composition, puis le tout afin que le tatouage s'adapte au mouvement du corps et à la personne. Il faut faire en sorte d'adapter le dessin et parfois d'inclure le nombril ou les tétons dans la composition.

Quelle est la chose la plus importante pour toi en tattoo ?

Réaliser le meilleur tatouage que je peux sur quelqu'un. Et lui apporter quelque chose de spécial pour qu'il ait un souvenir sympa et durable. Je veux qu'il puisse repenser à ce moment comme une bonne expérience. Je crois en particulier, qu'entre nous : tatoueurs et clients, de manière générale, il faut juste être bons les uns avec les autres. Ces temps-ci, il y a beaucoup de gens qui ont des attitudes de merde. Certaines personnes commencent à tatouer et se retrouvent au top très vite pour devenir arrogants face à d'autres dont le boulot est moins bon. Mais pour pas mal de gars, il aura fallu fournir deux fois plus d'efforts qu'eux pour être là où ils sont. Ces gens ne se rendent pas compte du travail qu'il faut et se comportent mal vis à vis de tatoueurs qui sont moins bons qu'eux. Restez humbles. Les choses changent constamment. Avec internet n'importe qui peut commencer à tatouer et être populaire très vite ! Et les gens devraient simplement rester sympas et humbles et se soutenir les uns et les autres dans la communauté tattoo.

Peux – tu nous parler de ton projet éditorial PARADISE, le livre et tous les « sides projects » que tu as accumulés ces dernières années qui complètent ton activité tattoo?

Paradise est un projet de LLL Books ; c'est un livre de dessins à collectionner. C'est quelque chose avec lequel on peut voyager. Il a été inspiré par mes aventures autour du monde. J'ai même inclus des photos que j'ai prises de certains de mes endroits préférés. Le livre contient 51 pages de dessins de tatouages peints à la main. « Paradise » est le deuxième livre solo que j'ai publié. Le premier était « Continuing a Tradition », publié par Illustrated Monthly. Ces livres ont suivi le premier et second livre de Spider Murphy. Je travaille toujours sur de nouveaux dessins et des tatouages flash, ainsi que sur des peintures et des affiches de conventions de tatouage. J'ai un lien sur mon site web vers une section merchandising où les gens peuvent se procurer des livres, des gravures, des flash et des peintures. Je travaille aussi actuellement sur un carnet de voyage de dessins au trait.

Tu as aussi un autre projet parallèle en ce moment influencé par ton autre passion : la moto...

Ma petite amie Sarah et moi avons lancé une entreprise de gants de moto appelée "SPEED". (@speed_california) que nous avons créée en novembre 2019. Mon père a peint des motos quand j'étais jeune et, à l'adolescence, j'ai pu l'assister. Il m'a amené à mon premier salon de la moto et du tatouage. J'ai toujours aimé rouler et mon frère Erik Dobleman et moi avons roulé ensemble quasiment toute notre vie.

Tu aimes beaucoup voyager, non ?

J'aime vraiment encore voyager. C'est toujours très inspirant de partir vers de nouveaux endroits et de revoir les merveilleux amis que je me suis faits dans le monde entier. Je suis vraiment reconnaissant de vivre ces expériences.

Comment ça se passe le tatouage aujourd'hui en Californie?

La Californie, c'est génial pour le tatouage. C'est tellement fun et j'aime travailler avec les clients que j'ai. Cette pandémie a un peu retardé les choses pour le monde entier, mais j'espère que les choses s'amélioreront bientôt, je sais que tout le monde est excité à l'idée de reprendre le travail.

Selon toi, quelle est la composition d'un bon tatouage traditionnel ?

Un bon tatouage traditionnel se compose d'une ligne nette, de pas mal de noir, de formes intéressantes, de bons angles, de silhouettes impactantes et d'un dessin lisible. Informations : Paul Dobleman wwwpauldobleman.com www.blackhearttattoosf.com www.speedcalifornia.com