Tatoueur à Birmingham, Hanumantra encre à Un1ty et présente avec Faces of the Future, une exposition qui porte un regard unique sur les tribus de demain. Connu pour ses travaux d'ampleur en noir, Hanumantra est un artiste tatoueur accompli, partisan assumé d'un black work néo-tribal. Il tatoue dans son studio avec sa compagne Jo Harrison et propose depuis la dernière convention de Londres, un livret rassemblant les œuvres conceptuelles des artistes invités.
Le projet “Faces of the Future” explore ce que pourrait être le tatouage des futures tribus de l'humanité. Inspiré par le tatouage indigène à travers le monde, le projet créé une galerie qui révèle une esthétique propre entre modernité et tradition. Hanumantra, travaillant en sur mesure sur les corps de ses clients, met un point d'honneur à approcher chaque pièce en free hand. Sa vision de ce que pourraient être les “tribus de demain” l'a amené à explorer sa passion en créant des motifs digitaux sur des corps entiers.
Tu as beaucoup voyagé, est-ce que cela fait partie de ton parcours depuis le début ? Je voyageais déjà avant de tatouer et j'ai passé beaucoup de temps à faire des allers-retours. Avec le tatouage, j'ai continué. J'ai été exposé à tant de cultures différentes, des types d'architectures diverses et variées, de modes, langues, nourritures ou styles de tatouages qui m'ont forcément intéressées. J'aime à penser qu'elles influencent mon tatouage. C'est la même chose avec les endroits où j'ai voyagé ils influencent mon travail d'une certaine manière, mais j'essaie de ne pas trop y réfléchir afin de garder cette spontanéité dans mon travail. Je laisse faire.
Combien de temps as-tu travaillé sur cette exposition “Faces of the futur” ?
Environ depuis un an. L'an dernier à la même convention de Londres, j'ai invité plusieurs artistes à se joindre au projet. Je trouvais qu'il était temps d'en faire un projet participatif et ensuite j'ai du vraiment faire en sorte que toutes les œuvres soient prêtes à temps pour cette édition 2019 de la convention.
Comment décrirais-tu le projet ?
Je voulais que ce projet permette aux tatoueurs de créer une vision de leur travail de la manière la plus progressive possible, sans se préoccuper de l'aspect curatif ou de la magie de la relation avec le client et de ce qu'il attend de son tatouage. Le tatoueur est libre de revendiquer le motif qu'il veut car il n' y a pas cette obligation de devoir traiter avec les besoins d'un client. C'est un type de support plutôt libre. Cette vision progressive a mon sens aide à façonner et à modifier certains aspects qui peuvent être négligés dans le tatouage.
Cette vision moderne que tu explores avec les artistes , elle part aussi de références tribales anciennes...
Carrément. C'est sûrement différent pour chaque artiste car certains sont vraiment influencés par un tatouage ancien et d'autres s'intéressent à des patterns plus modernes mais en fin de compte, comme toute chose, c'est façonné et influencé par tout ce qui a précédé. L'impact ou l'ampleur est plus ou moins visible et varie suivant le travail de chacun mais de toute évidence chaque participant au projet a été inspiré par une influence passé mais aussi inspiré par l'avenir.
Personnellement, est-ce que ça fait aussi partie de ton processus de tatouage?
Oui, pour moi c'est très important. J'essaie de penser à la façon dont je vois l'avenir et comment je veux créer. Certains artistes qui sont vraiment tournées vers des cultures traditionnelles vont toujours regarder vers le passé et voudront le recréer. Personnellement, j'aime regarder et penser à ce que ma création pourrait être dans 100 à 200 ans, même si ça peut être un homme vivant dans l'espace, j'essaie de me demander à quoi ça pourrait ressembler sur lui, même au-delà.
Pour l'exposition, tu as travaillé en collaboration avec une photographe, quel a été votre processus, étape par étape ?
En réalité, je n'avais pas rencontré Kaja Gwincinska, la photographe du projet avant ce week-end (lors de la convention de tatouage de Londres, en septembre 2019) et nous avons été présentés par un ami commun. Toutes nos correspondances se sont faites par e-mail, par téléphone ou par SMS. J'ai vu son travail et je lui ai fait confiance immédiatement. Elle a trouvé les modèles et les a photographiés. J'avais un objectif : créer une sorte de synergie avec l'image et le corps du modèle et trouver où il serait possible de tatouer, sans qu'il y ait trop de distorsions dans les corps. La photographe a fait un travail fantastique. Kaja Gwincinska s'est occupée de tout ces aspects du shooting photo. Une fois les photographies transmises, j'ai commencé à les envoyer à tous les tatoueurs pour qu'ils dessinent les motifs et me les renvoient ensuite. J'ai superposé les designs pour que le tout apparaisse comme des tatouages sur les modèles et je les ai envoyées à Kaja qui a fait quelques retouches sur les fonds.
Tu as déjà travaillé sur ce genre de dessin sur papier, c'est d'ailleurs ainsi que t'es venue cette idée. Comment cela s'est-il déroulé pour les artistes que tu as invités à participer ?
Nous avons surtout travaillé en numérique. Quelques personnes ont voulu créer en utilisant stylo et papier, mais c'était beaucoup plus compliqué pour moi à traiter ensuite, pour assembler le tout. De manière globale,, ce n'était pas très difficile à faire et j'ai eu quelques personnes de mon entourage pour me montrer deux ou trois ficelles.
Aimerais-tu faire une autre exposition ?
Dans le futur, pourquoi pas mais peut-être pas la même chose. J'ai quelques projets en réserve. Eventuellement il serait envisageable de faire un “Faces of the futur 2”. Je pensais ne pas le faire car cette exposition m'a demandée beaucoup de travail, mais plus on se rapprochait de la finalité du projet et plus on atteignait l'objectif, plus je me disais que ça serait tout de même envisageable. Je pourrais avoir quelque chose en tête.
Tu as aussi publié un livre sur cette exposition. Est-ce aussi une façon de poser cette question : que pourrait être le tatouage dans le futur ?
J'aimerais continuer à travailler sur cette question à l'avenir, je pense qu'il est intéressant de voir comment d'autres artistes peuvent produire une autre version parfois très différente, de leur art. Je suis intéressé d'en voir le résultat.
Que penses-tu de l'univers du tatouage actuellement ?
C'est assez curieux parce que d'une certaine manière, il y a de très bons aspects et d'autres qui ne sont pas si bien que ça. Il y a du bon et du mauvais et je pense que c'est comme les différentes faces d'une même pièce. La progression du tatouage a apporté beaucoup de bonnes choses mais j'aimerais voir les gens qui débutent des projets de tatouage être plus volontaire ou préparés et faire de leurs corps un tableau entier et voir ce à quoi peut ressembler un travail à grande échelle sur un corps complet plutôt que de se faire tatouer uniquement sur de petites zones spécifiques. C'est un engagement car il faut dédier son corps mais j'aimerais bien voir plus de travail de cet aspect de la part des tatoués. Je crois que ça serait une bonne éducation pour les personnes qui abordent le tatouage, de volontairement, s'y engager plus profondément.
Comment travailles-tu habituellement dans le cadre d'un projet sur le corps entier ?
Je ne fais rien de particulier et je ne m'inspire jamais d'une seule source. Je laisse juste toutes ces choses, ces voyages, le travail, les pays que j'ai pu visiter et leurs cultures et modes que j'ai pu voir ou l'architecture... vivre à travers moi et m'influencer et ensuite je créé quelque chose de personnel qui se retranscrit. Je ne prévois pas et je ne fais pas en sorte délibérément de faire de telle ou telle manière. Ça vient juste de cette façon.
Penses-tu qu'on devrait revenir au tatouage dans un but de rite de passage ?
Du moment que tu penses que ce tatouage te correspond, il est alors fait pour une bonne raison. La meilleure raison, de se faire tatouer pour moi c'est d'adopter une approche plus réfléchit, non seulement venant de la personne se faisant tatouer mais aussi du tatoueur, pour que cette approche ne soit pas nécessairement uniquement virtuelle mais plus spontanée et cela, dans l'ensemble du processus de tatouage. En considérant le tatouage, je pense que ça serait une façon plus évoluée de l'approcher.
Que penses-tu du travail qui nous est possible aujourd'hui avec le tatouage tribal, appartenant à des cultures anciennes ? Comme celui de recréer, copier ou customiser certains motifs traditionnels ?
Personnellement, je ne m'approche jamais trop de ce qui est très traditionnel parce que ça manquerait d'authenticité. Cette approche est délicate lorsque ce n'est pas vraiment ma culture ou mon époque. Je n'essaie jamais de revenir en arrière. Certains tatoueurs au Royaume-Uni font des tatouages spécifiques, appartenant à une autre île et c'est très bien. Personnellement, je ne souhaite pas vraiment suivre ce chemin de trop près. J'essaie de créer mon esthétique propre, mon visuel afin de pouvoir le faire sans compromettre mon intégrité personnelle dans la vie. Ce que je ne voudrais pas voir non plus, c'est qu'une personne s'achète un tatouage de ce type, très traditionnel, comme si c'était juste un truc cool à porter ou tendance. C'est mon avis. C'est aussi pourquoi j'aime que les choses soient faites de manière authentique. Ça dépend du ressenti de chacun en tant qu'individu mais cela ne me semble pas juste. Je ne vais pas dire qu'il ne faut pas le faire parce que si la personne se sent à l'aise de le faire et est confiance pour se réapproprier ce type de design, c'est son choix.
Quelle est la chose la plus importante pour toi dans le tatouage ?
Le client à chaque fois. HANUMANTRA108@GMAIL.COM @hahumantra https://www.instagram.com/hanumantra/?hl=fr @Richardb_k par Hanumantra – crédit : TD