Dopé au punk et au style old-school américain, le tatoueur italien de Gênes Francesco Garbuggino dépoussière le style traditionnel en introduisant une iconographie agressive héritée de son amour pour les musiques amplifiées.
Quand est-ce que l’association du tatouage et du Rock’n’Roll se fait-elle pour toi ?
Les tatouages sont rock'n'roll ! J'ai beaucoup écouté de punk à l’adolescence, principalement américain, et les nombreux tatouages des membres des groupes ont attiré mon attention. Il n'y avait pas d'internet, je ne connaissais pas du tout les différents styles de tatouage, je ne pouvais même pas bien les voir sur les photos des disques, mais je savais que je les aimais. C’est à cette époque, à 18 ans, que j'ai fait faire mes premiers tatouages dans un studio de mon quartier. J'ai choisi les sujets dans un carnet de croquis rempli de dessins découpés dans des magazines et dans des styles complètement différents, mais je n'en étais pas très conscient à l'époque...
Avais-tu remarqué des styles en particulier malgré tout?
J'ai commencé à acheter des magazines et à mieux observer les tatouages que je pouvais voir, notamment lors des concerts. Le style traditionnel américain était le plus présent dans cet environnement et c'est celui qui m'a le plus impressionné. C'est probablement le style dont je suis tout de suite tombé amoureux, mais je ne le savais pas au début. Je citerais deux groupes que j'écoutais beaucoup à l'époque et qui ont eu une importance fondamentale pour mon intérêt dans ce style : US Bombs et H2O. Leurs frontmen respectifs, Duane Peters et Toby Morse, étaient très tatoués et j'ai vraiment aimé leur attitude.
Ton style reprend effectivement des codes graphiques (grosses lignes, palette de couleurs réduite) du style traditionnel old-school.
La vieille école a été le point de départ à partir duquel j'ai essayé de développer un style plus personnel. Depuis que j'ai commencé à tatouer, en 2009, je me suis senti à l’étroit dans des canons trop définis. Me lancer à la recherche d'un langage plus proche de moi m'est alors venu naturellement. On pourrait dire que mes tatouages sont « modernes traditionnels ». Ils s’appuient sur une approche classique mais avec beaucoup plus d'éléments graphiques.
Effectivement, à l’iconographie traditionnelle tu ajoutes des références punk : couteaux, gants à clous...
Évidemment, dans ce que je fais, il y a beaucoup d'éléments de ce que j’aime et l'iconographie métal et punk a toujours fait partie de mon imagerie graphique. Je pense que je ne cesserai jamais de l'inclure dans mon travail.
En parlant d'images métal et punk, as-tu été influencé par un artiste en particulier ?
J'écoute beaucoup de thrash metal et un artiste qui m'a influencé, non pas dans le graphisme, mais dans dans ses sujets, est sans aucun doute Ed Repka (illustrateur américain notamment à l’origine de pochettes de disques des groupes de thrash Megadeth, Nuclear Assault, etc.). Ses pochettes de disques me rendent toujours fou !
Il y a aussi des références à l’histoire, à l’architecture, des sujets qui t’intéressent?
Evidemment ! Je vis en Italie, je suis entouré d'une architecture magnifique, il serait impossible de ne pas s'en inspirer. En particulier, je m'inspire beaucoup des fresques médiévales. La synthèse des structures est quelque chose que j'aime beaucoup et je l'inclue souvent dans mes tatouages.
La synthèse des structures ?
Oui, la synthèse graphique de tout l'art médiéval. Je la trouve fascinante et en plus, elle a été très utile pour développer certains types de sujets que je propose. Les structures et les constructions en sont un parfait exemple. La synthèse est l'un des aspects les plus importants du style traditionnel.
Les références à la religion indienne, c’est ton côté… rock psychédélique?!
Je fais parfois des sujets sur la religion indienne, mais je dois dire qu'ils sont surtout demandés par les clients. Ce sont des travaux que je fais avec beaucoup de plaisir car ils sont beaux, graphiquement et culturellement.
As-tu été influencé par des tatoueurs en particulier dans l’histoire du style old-school?
Je place un nom au-dessus de tous les autres, celui de Dan Higgs. Ses graphiques ont été fondamentaux pour trouver mon style personnel.
Qu'est-ce qui t’as spécifiquement inspiré ?
L'innovation dans ses sujets est certainement l'aspect qui m'a le plus impressionné. J'ai réalisé que je pouvais être traditionnel même sans y dessiner une rose.
J’ai retrouvé cette phrase de Dan Higgs qui dit : "Le tatouage traditionnel ne consiste pas à rester coincé dans le passé, mais à entretenir quelque chose qui vous a précédé parce que vous espérez profondément qu'il continuera après vous. Il s'agit d'être au milieu, pas à la fin." Qu’en penses-tu ?
Je suis entièrement d'accord avec ces mots. Je pense que c'est exactement le genre de recherche que j'essaie de faire chaque jour dans mon studio. Partir du passé est fondamental, mais pour survivre les tatouages doivent grandir, ils doivent être contaminés. Tout en restant fidèles à eux-mêmes.
Les tatoueurs écoutent souvent beaucoup de musique, pour tatouer et dessiner, quels groupes aimes-tu écouter ?
Je déteste travailler en silence. L’un des aspects que je préfère des rotatives que j’utilise est qu'elles font très peu de bruit et me permettent d’écouter de la musique en toute tranquillité, principalement du métal. Mais pendant que je travaille j'essaie de garder une sélection musicale un peu plus détendue pour que le client puisse profiter de l'expérience du tatouage. Le Doom rassemble tout. Des groupes comme Black Sabbath, Saint Vitus, Electric Wizard... créent l'atmosphère dans le studio.
Pour finir, parle-nous de Gênes, la conseillerais-tu aux amateurs de rock?
Gênes est l'une des villes qui compte le plus de personnes âgées, non seulement en Italie, mais dans toute l'Europe, donc je dirais non ! + Instagram : @fra_inknroll_tattoo / @inknroll_tattooshop INK'n'ROLL Tattoo Shop Via P. Giacometti 11r Gênes (Italie) https://www.inknroll.it
