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Interview Gaston Madit

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Interview Gaston Madit

@pascalbagot

Jeune tatoueur installé dans le sud-est de la France, Gaston Madit nous raconte comment il est arrivé dans le métier des étoiles plein les yeux. Une passion qui le pousse depuis 7 ans à perfectionner son style, entre newschool et animation.

Peux-tu nous parler de toi stp?

Aymeric Lemaître de mon vrai nom mais tout le monde me surnomme Gaston car oui, je n’aime pas répondre au téléphone… J’ai 23 ans et j’habite dans le sud-est de la France, dans une petite ville appelée Lorgues avec ma femme et nos 14 plantes, moins contraignante que des enfants, mais tout de même. Je suis originaire de la région parisienne, mais n’y ai jamais vécu. J’ai passé la quasi-totalité de ma vie entre la région varoise et toulousaine !

Artistiquement, quel est ton parcours?

Je n’ai pas fait énormément d’études pour être tout à fait franc avec toi. Mais j’ai toujours aimé apprendre, tout en ayant du mal à me concentrer à 100%. De nature tête en l’air, je ne comprenais pas pourquoi rester assis à une table alors qu’il y avait tant d’autres choses plus intéressantes à faire à l’extérieur ! Quoi qu’il en soit, j’ai fait des études de sculpteur sur bois/ornemaniste. Je souhaitais à l’origine intégrer une école nommée « Les Arènes » à Toulouse. Comme la liste d’attente était beaucoup trop longue je me suis orienté vers la sculpture en attendant de pouvoir intégrer une école d’animation.

Comment es-tu arrivé dans le milieu du tattoo ?

J’ai su très jeune que je voulais m’y diriger. J’ai eu le déclic en feuilletant un vieux magazine de tattoo qui traînait dans un shop où je me faisais percer. Je devais avoir 13 ans et demi. J’y ai vu des tatouages très colorés, de type cartoons. Comme je voulais depuis tout jeune m’orienter vers le cinéma d’animation, il ne m’a pas fallu très longtemps pour savoir qu’à mon tour, j’allais tout faire pour en réaliser sur la peau des gens. Le tatouage est un super médium pour exprimer sa créativité. Il n’est jamais figé. Il évolue avec le temps, il est modifiable, sans comparaison avec un support tel que le papier. Par ailleurs, les gens tatoués m’ont toujours fasciné. Très jeune, je me suis retrouvé dans ce monde-là. Je me souviens de la première fois que j’ai mis les pieds dans une convention de tatouage à Toulouse, j’avais 13/14 ans et j’étais émerveillé. Ce week-end-là je me suis fait piqué pour la première fois… en baratinant mon tatoueur que j’avais bientôt 18 ans ! Depuis, je n’ai jamais cessé de manger / boire tatouage.

Pas trop difficile pour un jeune tatoueur de se lancer quand il y a déjà beaucoup de monde?

C’est vrai que beaucoup de personnes décident de se lancer dans ce milieu. Malheureusement, certains ne sont pas très avertis des contraintes et des sacrifices nécessaires. Je pense qu’il y a de la place pour tout le monde, mais tout le monde n’a pas la capacité ni la motivation pour y arriver. Pour cela, il faut beaucoup d’investissement personnel, de patience et de travail. Le problème de cet effet de mode est que les jeunes - et les moins jeunes d’ailleurs- pensent qu’il suffit d’acheter une machine sur Internet et de faire quelques gribouilles pour s’improviser tatoueur, sans se soucier de l’aspect technique, pour devenir une star des réseaux sociaux. De mon côté, j’entame ma 7eme année dans ce milieu et je pense qu’il m’en faudra encore quelques-unes pour atteindre mon objectif. L’art est en général un milieu d’individus assez égocentriques, pour qui le partage n’est pas une chose innée. Il faut donc savoir s’entourer des bonnes personnes et se concentrer sur son travail plutôt que sur son nombre de followers. Il est plus important à mes yeux de progresser et de pouvoir se regarder dans la glace en se disant que même si ce n’est pas parfait, il y a malgré tout une évolution entre hier et aujourd’hui.

Ton travail est singulier, mêlant esthétique 3D, accents BD, quelles sont ses influences ?

Il est très inspiré des métiers de l’animation, du cartoon, mais aussi d’un univers assez sci-fi – je suis un grand fan de H.R. Giger et je me dirige de plus en plus vers un style mêlant organique et biomécanique. J’apprécie également les travaux de l’illustrateur Pascal Campion que je trouve très poétiques, avec de sublimes couleurs !

L’outil informatique fait partie de ton processus créatif, comment t’en sers-tu?

En effet, il me sert principalement à réaliser des illustrations, pour le côté plus professionnalisant. Je m’en sers aussi pour réaliser les calques de mes tatouages. À mes débuts, je faisais tout à la main et la tablette est un gain de temps vraiment précieux pour moi je dois reconnaître !

Quels logiciels utilises-tu ?

Je me sers d’une tablette graphique (iPad Pro) et je bosse le plus souvent sur Procreate car cela correspond le mieux à mes besoins. Elle est pratique d’utilisation et plutôt complète, bien qu'à terme, j’aimerais pouvoir passer sur une tablette Wacom qui me permettrait d’avoir plus de place et d'entraîner mon poignet à faire des traits plus assurés... Du vrai matériel de professionnel !

L’informatique ne fait pourtant pas toujours l’unanimité dans ce milieu dont une partie est très attachée à la culture traditionnelle et analogique. Quelles réflexions cela t’inspire?

J’apprécie travailler sur des supports papier, des toiles... Et j’étais moi-même il y a encore quelques années assez réfractaire à l’idée de passer sur du numérique. Mais, soyons honnête, il faut vivre avec son époque et c’est un gain de temps considérable professionnellement parlant. Par ailleurs, cela n’empêche en aucun cas de dessiner à côté sur d’autres supports. Les deux sont pour moi de très bons outils.

J’imagine que des tatoueurs t’inspirent plus que d’autres, pourrais-tu m’en citer quelques-uns ?

Depuis le premier jour, je suis un très grand admirateur de Victor Chil. Je le trouve complet dans n’importe quel style, avec toujours une marque de fabrique qui lui est propre. Je pense qu’il fait partie des plus grands techniciens en activité aujourd’hui. Par ailleurs, j’apprécie énormément d’autres grands noms du tatouage Newschool comme Jamie Ris, Tom Strom - que j’ai eu la chance de rencontrer et qui possède un univers tout aussi singulier. Et puis n'oublions pas le travail d’Henri Howard, qui fait de superbes serpents ! Pour ce qui est des tatoueurs français, les toutes premières pièces que j’ai eu la chance de voir en Newschool étaient celles de Dimitri HK et je me souviens être resté ébahi par le niveau technique. Parlons aussi de Didier Ra, dont le style me plaisait beaucoup, très coloré, très biomécanisant. Actuellement, je travaille à ArtSkull Tattoo aux côtés de Stéphane Candela, mon mentor depuis 2 ans maintenant. Je suis vraiment fan de ses illustrations et j'apprécie son humilité. Au quotidien, il m'inspire et contribue à faire de moi un artiste ! J’espère, un jour, être la moitié de celui qu’il est.

Le tatouage est-il une discipline parmi d’autres que tu cultives?

J’aimerais pouvoir un jour travailler également dans le milieu du cinéma d’animation. J'aime énormément le fait de construire différentes histoires, des personnages, des décors. J’apprécie autant la 2D que la 3D, et en fait la plupart des métiers qui composent cet art. + IG : @gastonmadit_ IG : @artskultattoo