C'est à San Francisco que l'on retrouve l’équipe d’Everlasting Tattoo, le shop de Mike Davis. A la fois versé dans le traditionnel américain et peintre surréaliste, il ne dit jamais non à un carré de peau encore vierge ou à un morceau de toile. Juste de quoi pouvoir réaliser quelques sujets allégoriques sortis de son imagination florissante. Avec le Covid19, le shop a dû fermer pendant 5 mois, de quoi ramener Mike 100% à sa carrière de peintre. Même si il est influencé de styles et genres très variés, le gothique, l'art Renaissance et la peinture flamande du XV au XVII siècle restent moteur dans son art.
Légendaire, la Californie ne peut qu'engendrer des légendes. Soleil, palmiers, paillettes et... cette folie de l'Entertainment. Outre les clichés, l’Etat concentre autant de « weirdos » que de talents. Mode, cinéma, Street Art, skate culture, l'innovation est partout. Mais ce qu'on remarque avant tout, c'est la proportions absolument incroyable de tatoués au m2 ! Après sept heures de bus depuis l'aéroport de Los Angeles, je m’arrête à San Francisco. Son climat est plus tempéré et son histoire tourmentée. Mais ce qui la rend magique ne s'évapore jamais. San Francisco, apparaît toujours derrière le brouillard de sa baie. Son climat est tempéré et son histoire tourmentée. Mais ce qui la rend magique ne s'évapore jamais. Entre passé et présent, la cité respire le monde et le métissage. Une raison suffisante pour pousser Mike Davis à y établir son antre, discrètement perchée dans les hauteurs de la ville. Cette dernière vaut le détour. « Everlasting Tattoo » intrigue et épate, tant par la profusion d’objets ancien qui s’y accumulent que par la qualité des pièces qui en sortent chaque jour. Mystérieuse et mystique, elle est à l’image de son propriétaire. Originaire de Jacksonville, Mike Davis est peintre avant d’être tatoueur. S’il aborde l’épiderme de façon traditionnelle, ses huiles sur toile oscillent entre Hieronymous Bosch, Johannes Vermeer, Pieter Bruegel l’Ancien et Dali. « L’exercice du tatouage, déclare-t-il, m’a permis de perfectionner ma technique picturale même si ce que je produis sur la peau diffère beau- coup de mes peintures tant au niveau des influences que des sujets abordés ». Dans tous les cas, visionnaire autant qu’il est porteur d’une partie de l’histoire du tatouage « Made in USA », Mike Davis s'attèle à représenter un monde fantaisiste, sorti de rêves fantasmagoriques où les questions n'ont jamais de réponses.
Qui t'accompagne à Everlasting Tattoo ?
Owen Miller, Sadie Kennedy, John Montalvo, and Cesar m'accompagnent. On fait de tout ! Chaque personne travaillant ici à un style différent. C'est ce que j'aime. Du traditionnel japonais au traditionnel américain, du New School au réaliste.
Ton style, comment le décrirais-tu ?
Si je fais de tout, mon style de prédilection est le traditionnel américain. Reste que le fait d’être également peintre influence mon travail sur l’épiderme. Si le traditionnel est quelque chose de primitif – c'est ce qui lui donne tout son charme –, j'aime y implanter une touche très proche de ce que j'ai l'habitude de dessiner ou de peindre. C'est ce mix, mon style.
Comment es-tu arrivé dans le monde du tatouage ?
Comme beaucoup, en me faisant moi-même tatouer. J’ai découvert le tatouage grâce à la musique. Je suis un amoureux de rock'n'roll et à l'époque, j'aimais juste l'allure que le tatouage apporte aux musiciens. Plus tard, j'ai voulu apprendre à tatouer. Je me suis rapproché de Dana Brunson qui est devenu mon mentor. Je me suis acheté du matériel et j'ai débuté à Cincinnati, ma ville d’origine. C’était en 1998, j’avais 27 ans. C'est un âge assez avancé par rapport à la tendance actuelle. Mais à cette époque, il y avait nettement moins de tatoueurs que maintenant…
… A ce moment-là, quel style pratiquais-tu ?
Quand j'ai démarré, j'aimais particulièrement le tatouage de type « Hot Rod ». J'étais moi-même une sorte de biker passionné de motos et voitures anciennes. J'ai grandi autour de courses de voitures et de conventions de Hot Rod. Ma famille était dingue de ça !
Comment en es-tu venu à fonder « Everlasting Tattoo » ?
C’était en 1992. Avant, je travaillais chez moi. J’avoue, ce n'était pas très réglementaire. D'ailleurs, je ne le recommande pas du tout. Mais c'était il y a plus de 20 ans. Et à cette période, il était vraiment difficile de trouver un travail en salon ou de trouver un apprentissage auprès d'un artiste tatoueur.
Les conditions étaient plutôt rudimentaires, non ?
En réalité, quand j'ai commencé à tatouer, je faisais des décors. J'étais scénographe et je travaillais pour le théâtre, l'opéra ou le ballet. C'était mon premier job. C'est par ce biais que j'ai appris à peindre. Quand je me suis investi dans le monde du tatouage, je le pratiquais surtout le soir, après le travail et pour le plaisir. Mais je ne recommande pas non plus cette façon de faire ! Le tatouage est quelque chose que l'on doit prendre au sérieux. Aujourd'hui, beaucoup de jeunes s'impliquent dans le tatouage sans vraiment en comprendre le fond. Ils regardent ces TV Show qui ne font que les encourager à suivre cette voie. Ils n'ont pas forcément de respect pour cet art et son histoire. C'est devenu ici, aux Etats-Unis, un gros problème. Mais d'un autre côté cela peut permettre a beaucoup d'artistes de pouvoir vivre de leur art, je dois reconnaître que c'est unique.
Quels ont été les premiers artistes tatoueurs à t'inspirer ?
Tout d'abord l'artiste qui a réalisé mon premier tattoo, bien sûr ! Dana Brunson (Tattoo designs by Dana, Cincinnati, Ohio, ndlr). Il y a également Bernie Luther (Tattoo Art Demon, Vienne). Une des légendes du tatouage New School, ndlr), qui a eu une grande influence sur moi. Il y en a tellement d'autres. Mais principalement, ce sont ces deux gars-là.
Tu es peintre également. Nous avons eu le plaisir en France de découvrir ton travail lors des expositions « Hey ! » qui se sont tenues à la Halle Saint-Pierre à Paris en 2012 et 2013 et un peu partout dans les pages de la revue mais aussi au Mondial du Tatouage. Peux-tu nous en dire un peu plus ? Où trouves-tu ton inspiration ?
Principalement chez les peintres de la Renaissance flamande : Jan Van Eyck, Pieter Brueghel, David Teniers, Max Ernst, Otto Dix, George Grosz… Je m’intéresse également à toute sorte d'objets historiques que je collectionne. Des objets de la seconde guerre mondiale, des artefacts d'Egypte, de Grèce, de Rome ou encore des Indiens d’Amérique. J'aime aussi les têtes de mort et les coquillages par exemple.
Quels tons adoptent tes oeuvres ? Peux-tu les décrire ?
J'aime l'obscurité dans les peintures surtout lorsqu'elle est indistincte au départ....Je préfère la subtilité dans mon travail. J'aime aussi ajouter des éléments humoristiques ou des éléments qui forment une sorte de puzzles. Je suis influencé par tellement de choses qu'il est difficile de les énumérer.
Qu'est-ce qui a changé au fil des ans dans votre art ou dans votre approche d'artiste en tatouage ou en peinture ?
En ce qui concerne le tatouage, il a beaucoup changé. Je ne voudrais pas commencer aujourd'hui. C'est tellement compétitif et il y a tellement de gens extrêmement talentueux. De plus, je n'aime pas du tout la culture des médias sociaux qui l'entoure aujourd'hui. Concernant ma peinture, j'essaie toujours d'évoluer et j'espère que cela ne s'arrêtera jamais ! D'ailleurs, mon process de travail est vraiment différent pour chaque œuvre.
Parle nous des pièces que tu portes, quel est ton préféré ?
J'en ai tellement ! Mais un de mes préféré est un des plus anciens (il montre son bras gauche). Il a été fait par Dan Higgs (autre légende du tatouage américain), qui a été une de mes plus importantes influences quand j'ai commencé. Il y a aussi celui de Aaron Cain, Scott Sylvia de Black Heart Tattoo, un mec très intéressant, Dana Brunson bien sûr... J'ai tellement de tatouages et tellement de gens différents y ont contribué que je ne peux pas tous les citer!
Ont-ils une signification particulière pour toi ?
Non. Juste celui-là ( il retrousse sa chemise et montre un coeur dans le style traditionnel américain avec quatre bannières, ndlr). Parce que ce sont les noms de mes chats. Il y a aussi « Mom & Dad », un lettrage qui signifie beaucoup, mais c'est tout. Je pourrai m'en faire d'autres, mais il me faudrait de nouveaux bras !
Un artiste européen préféré et pourquoi ?
El Monga (Aloha Tattoo, Barcelone, spécialiste en traditionnel, ndlr). J'aime juste son style. Il y a beaucoup d'artistes espagnols qui travaillent actuellement dans cette veine. Mais sa façon d’envisager le tattoo me plait particulièrement : il aborde le style traditionnel avec un angle plus créatif et surtout avec son propre esthétisme, et j'aime ça.
Les conventions de tatouage te manquent ?
J'aime aller aux conventions pour voir de vieux amis mais je n'en fais plus beaucoup, je suis très sélectif sur celles auxquelles j'assiste. C'est l'occasion de rencontrer des gens que je connais depuis longtemps......certains d'entre eux depuis presque 30 ans maintenant. C'est génial d'avoir des amis dans le monde entier... C'est une des choses que j'aime dans le tatouage. Plus d’informations : www.mikedavisfineart.com Instagram : @mikedavis813