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Fat Manu

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Fat Manu - Coco Di Bongo, Tours“Je reviens aux bases, aux street shop de vieux, quoi !”

Interview & photographies: ©Tiphaine Deraison - Tattoos : ©Fat Manu

De passage à Tours, on s'arrête prendre une bière au Coco Bongo, le shop de Fat Manu et ses collègues, ouvert il y a cinq ans. Passer la porte du Coco Bongo, c'est être assuré d'une folle après-midi. Le shops fait référence dans la ville. Chacun dans leur style, les trois artistes du Coco Bongo, ont la volonté d'être un street shop où ils font leur métier avec plaisir et pas mal de fous rires. Will pratique le old school et dotwork, Samoth de l'Art Nouveau et néo-trad et Manu : “tout le reste, tout ce qui passe en fait !” Ces tatoueurs prônent un tatouage “à l'ancienne”. Un métier qui avant d'être une carrière d'artiste est un artisanat. Rencontre avec un vrai fanfaron !

Manu, tu tatoues depuis 14 ans, comment ça se passe pour toi aujourd'hui ? On fait l'état des lieux du Coco Bongo, ton shop, si tu veux bien ?

Ça fait 14 que je tatoue et je continue à faire tout ce qui passe par mon salon, c'est un choix car plus personne ne le fait vraiment. Tout le monde ne veut faire que son propre style. Tribal, polynésien... je fais de tout sauf le biomécanique, je suis nulle. C'est un choix de ma part, je ne me prends pas la tête. Les gens ne veulent pas de trucs véritablement personnels ou uniques. 90% du temps ils veulent le faire modifier le dessin pour revenir à l'image de base qu'ils ont donné. Actuellement, on est 43 shops entre Tours et la périphérie. Je reviens aux bases, aux street shop de vieux, quoi !

Oui, ça a explosé !

J'ai d'abord cru que c'était une concurrence et puis je me suis aperçu que mon agenda se remplissait de plus en plus avec des covers qui viennent d'ailleurs. Ça me remplit mon agenda car ils viennent tous se faire rattraper chez moi ! Pour la plupart ce sont des clients qui parfois viennent ici prendre des renseignements. On leur donne les informations voulues et parfois elles ne leur plaisent pas ou simplement des conseils réalistes sur leur projet... ils vont voir quelqu'un d'autre pour la réalisation de leur tatouage et finalement ils se rendent compte que le rendu n'est pas bon et reviennent chez toi pour un cover ou un blastover.

On ne se ment pas de toute façon, le tatouage s’est tellement démocratisé et son monde s’est bouleversé. Si on prend par exemple les magazines de tatouage, ce n’est que les connaisseurs qui les lisent...

Tout le monde va sur Instagram. Et pourtant Instagram ça fout la merde avec tous les tatoueurs qui magouillent et réarrangent leurs photos. Ils montrent des tatouages infaisables et après tu passes pour un idiot quand tu dis la vérité au client. Les clients, arrivent et nous montrent des photos qu’ils pensent être vrais. La réalité est tout autre. Beaucoup de photographies sont retouchées... le problème est qu’ils se rendent compte que ce n’était pas réalisable uniquement quand c’est raté. Je fais aussi des rafraîchissements de tatouage régulièrement comme dernièrement un Indien très old school sur une mamie. Je l’ai retapé car c’était un tattoo qui avait plus de 30 ans. J’ai même retapé un tattoo de Johnny (son maître d’apprentissage, ndlr). Bien sûr, je l’ai appelé pour le lui dire. Ça m’est aussi arrivé de retoucher un tattoo à moi qui datai de mes premières années. Je n’ai pas honte, c’était il y a quinze ans maintenant. Parfois, comme je n’avais pas le même surnom, les clients ne savent même pas qu’ils viennent me voir, donc c’est assez marrant.

14 ans de tatouage, ça te fait un sacré parcours, tu peux nous raconter un peu tes débuts à Montrichard jusqu’à aujourd’hui, de retours en Touraine ?

Mes débuts, je les ai faits à Montrichard où personne ne sait où c’est situé, avec un apprentissage chez Johnny Tattoo,. Puis, à Versailles chez Denis Tatoueur qui est toujours ouvert, cette fois pour u second apprentissage. Ensuite, je suis parti à Clermont-Ferrand monter un shop avec Zouk (Christophe Mazouko - 20 fingers) et depuis 8 ans, je suis de retour à Tours. Ça va faire 8 ans que je suis revenu à Tours. Il y a certain shops sympa ici, Flo Levanti est aussi revenu dans la région. Sabra tattoo est un autre shop aussi qui fait du Japonnais très traditionnel. On bosse aussi avec un shop de polynésien à qui on envoie des clients qui recherchent ce style spécifique. C’est grâce à mon parcours qu’aujourd’hui je fais de tout et n’importe quoi. Je fais mon métier. De temps en temps, tu fais une pièce qui te fait plaisir et puis le reste du temps, tu sais tout faire. Personnellement, je pense que tu n’as pas à faire forcément ton art tous les jours. Un apprentissage à l’ancienne, c’est indispensable car tu apprends plein de choses et j’en suis fier. Aujourd’hui, le bouche-à-oreille a rempli mon agenda. Le plus gratifiant pour moi, en tant que tatoueur c’est de voir que de voir venir dans mon shop des enfants de personnes que tu as tatoué il y a 15 ans. Ils viennent se faire tatouer par moi. Là, tu te dis, c’est bon, c’est parti pour 15 ans de plus ! Quand la gamine aura grandi, elle m’enverra ses cousins, cousines, enfants...

L’apprentissage à l’ancienne a de la valeur. La preuve, il y a des salons où les tatoueurs viennent me voir pour faire réparer leurs bécanes chez moi. Parce qu’ils ont des coils qu’ils ne savent pas bricoler. Deux ou trois tatoueurs sont venus. Je les aime bien alors je les aide. Parfois, c’est important de juste savoir réparer un ressort. Personnellement, si je n’avais pas fait mon apprentissage avec Denis, je n’aurais pas réussi à faire tout ça seul. Chez Denis, j’ai pu aussi évoluer aux côtés d’Alix Gé. Cela m’a permis aussi de rencontrer du monde. Denis m’a appris ce qu’il savait et Alix, elle m’a permis d’apprendre à peindre. C’était une étape majeure de mon parcours.

Tu continues de peindre ou dessiner régulièrement ?

C’est particulièrement venu à ce moment-là, quand j’ai rencontré Alix. Ça occupe bien, notamment pendant le confinement et ça m’a donné envie de garder une journée dédiée à la peinture dans mon emploi du temps. Le reste du confinement, j’avoue, je l’ai passé à glander et traîner dans mon jacuzzi, j’avoue !

Est-ce que les conventions te manquent ?

Les conventions, c’est plus pareil qu’avant, les vieux de la vieille n’y vont plus, c’est moins marrant et ce que j’aimais c’était la fête et le fun des conventions ! Il n’y a plus ce côté « pirate » qu’on avait avec les vieux copains comme Keuns. On a d’ailleurs plus de conventions de tatouage à Tours. Chaque année on me retrouve juste à Lyon et à Nantes, ce sont les deux seules que je continue de faire. Ajaccio aussi, pour la détente ! Avant on devait être 80 par conventions, tout le monde se connaissait, c’était un petit monde et une petite communauté. Maintenant, on doit être 250 tatoueurs par convention. Au final, on se déplace pour rien. Les clients sont difficiles, ils trouvent les prix chers et comme je fais des kékéttes et que tout le monde trouve que c’est inadmissible, c’est devenu un peu trop sérieux pour moi. C’est dommage, mais je pense que ça va revenir.

Les guests te plaisaient plus ?

Quand j’ai ouvert le shop je me faisais des années avec entre 15 et 17 conventions et 3 ou 4 guests dans la même année. C’est lourd, tu n’es jamais chez toi, tu as le temps de rien et tu es fatigué. Je continue à faire quelques guests tous les ans à Nevers chez Yannick et chez Alix Gé à Sète, dans le sud. C’est tout. J’aimerais bien en refaire un peu plus lais au bout de 14 ans, j’aime bien aussi être chez moi.

Tu as continues de faire des inspirations pop – rétro et Disney, qu’est-ce qui t’inspire ?

J’ai fait pas mal de dessins et peintures pendant le confinement, les Disney et l’univers skate, c’est ce qui me plait ! Je m’essaie aussi à faire du Japonais, mais je ne connais pas bien et je n’ai pas la patience d’en apprendre tous les codes. Je fais plutôt donc du japonais d’Européen. Très moderne, je rajoute pas mal de choses. C’est vraiment chouette à faire car tu fais tout le décor en freehand. Je fais des bras ou des mollets mais je n’ai pas fait beaucoup de dos complets. J’ai un client en ce moment sur qui je travaille un « Jap' Fat Manu » en bodysuit. Les clients sont un peu frileux pour des pièces larges. Ils font morceaux par morceaux et préfèrent faire 2 tatouages qu’une pièce. Mais je pense que d’ici quelques années quand on aura 7 à 8 ans d’ancienneté à Tours ça ira mieux. Se sont les gens avec qui tu as déjà accroché avec qui tu fais des grosses pièces. Il faut fidéliser encore plus ces gens. Ici, ce n’est pas écrit « Tattoo Shop » mais « Tattoo Club ». C’est aussi car ici c’est la fête. D’ailleurs, si tu regardes nos avis sur Google, aucun, ne raconte vraiment comment ils ont eu leur tatouage mais surtout qu’ils ont passé une super après-midi et qu’ils se sont bien marrés. Quand on a vu ça, on était plié de rire. Mais c’est véridique, on aime faire des conneries, on n’est pas au travail !

As-tu croisé le chemin d’un tatoueur en particulier que tu admires vraiment ?

Le plus cool que j’ai rencontré, qui est une grosse star pour moi, c’est Manu Badet. Il est super cool et très très fort. Il est venu en guest ici. Il est vraiment excellent. D’habitude il ne va jamais ailleurs que chez Yannick de Nevers. Il se trouve qu’il a perdu un pari à la con et il a dû venir ici. Yannick est une plaque tournante à vrai dire, quand tu vois la liste de tatoueurs de sa convention à Nevers. Blaize ou Remy sont des tueurs ! Informations : @fat_manu_de_tours @cocodibongotattooclub