Certes, il faut du talent mais pour atteindre un niveau tel que celui de Fredão Oliveira, un travail acharné paraît nécessaire voire inévitable. Ce tatoueur brésilien excelle dans le blackwork minutieux et texturé peuplé de têtes de mort plus effrayantes les unes que les autres. Des animaux féroces, des visages aux yeux sans pupilles et des corps éventrés. Les nuances de noirs et gris sont omniprésentes pour créer ce simulacre de vie dans ces faciès si expressifs. Les thèmes sont variés tout laissant planer une atmosphère glaçante. Il nomme lui-même son style « dirty and evil » (sale et maléfique).
Biberonné aux comics dès le plus jeune âge, Fredão Oliveira a su distiller cette inspiration et y insuffler sa touche personnelle. Il a commencé sa carrière de tatoueur avec un style plus traditionnel mais celui-ci n’a pas rencontré son public. Sujet à de nombreuses critiques, l’aspect crayonné était considéré comme trop détaillé et inapproprié au tatouage. C’était sans compter sur sa détermination et son ingéniosité d’illustrateur ! Le tatouage ne veut pas de lui ? Il répond : « Je tatoue comme je dessine. J’apporterai quelque chose de totalement différent et d'innovant. »18 ans de tatouage et une renommée internationale valent aujourd’hui à Fredão Oliveira une clientèle assurée et pointue. Il est le cofondateur du studio Inkonik Tattoo à Belo Horizonte, troisième plus grande ville du Brésil et connue, comme son nom l’indique, pour son bel horizon montagneux.
Salut Fredão ! Raconte moi un peu, depuis combien de temps dessines-tu ?
J'ai commencé à dessiner très jeune, vers 5 ans. J'étais influencé par mon grand frère car il était peintre. Son influence était très importante pour moi. À 9 ans, je me suis passionné pour les comics comme Conan, Batman, X-Men et les autres. J'étais impressionné par la façon dont ils dessinaient le corps humain et je rêvais de dessiner comme eux.
Quel a ensuite été ton premier souvenir de tatouage ?
Je me suis fait tatouer à 13 ans pour la première fois par un de mes amis. Mes potes étaient déjà dans l'univers du tatouage à cette époque et grâce à eux, je me suis mis en tête que je deviendrais un jour tatoueur. Je me suis inscrit à un cours d'art dans ma ville natale. J’ai appris à quel point c’est difficile d’être un artiste professionnel.
Tu as su persévérer. Qu'est-ce qui t'a donné envie de devenir tatoueur ? Ce qui a fait de toi l’artiste que tu es aujourd’hui ?
La personne qui a le plus marqué ma jeunesse, c’est mon frère aîné. Il avait un handicap et pouvait difficilement bouger. Malgré ses difficultés, il était un bon peintre. Il était mon modèle. Et c’était vraiment difficile pour lui d'être un artiste. Il m'a dit un jour « Tout est possible si ta volonté est assez forte ; le travail acharné est plus important que le talent. »
Quand as-tu commencé le tatouage ?
À 15 ans, j'ai réalisé mon premier tatouage et j'ai totalement abandonné le rêve de devenir un illustrateur de bandes dessinées. J'étais attaché à ce qui allait devenir ma profession et ma passion : le tatouage.
Quelles sont selon toi les qualités nécessaires pour exercer ce métier ? Te concernant par exemple.
J'ai plus de défauts que de qualités ! Sérieusement, ma plus grande qualité est le dévouement. Je suis vraiment concentré, je travaille tous les jours sur mes dessins et mes tatouages, à la recherche du petit détail à améliorer. Je travaille très dur pour être meilleur, au moins 8 heures par jour. C'est donc le conseil que je donnerais aux jeunes artistes.
Quel a été le déclic dans ta carrière ?
Un événement de ma vie a tout changé pour moi. J'ai quitté le Brésil pour la Norvège avec ma femme de l’époque et mon enfant. À l'époque, je faisais des tatouages traditionnels et tout a mal tourné. J'étais fauché. Sur le vol de retour, ce jour-là, j'ai pensé : « Va te faire foutre ! Je reviendrai en Norvège, et j'y apporterai quelque chose de totalement différent et d'innovant. »
Comment as-tu développé ton style ?
Lorsque j'ai commencé à faire des tatouages en blackwork, les professionnels du milieu doutaient que cela fonctionne sur la peau. Mais j'ai persévéré, en travaillant aussi dur que possible, jusqu'à ce que je puisse faire en sorte que ça marche, tant auprès du public que des tatoueurs. Cela a transformé ma vie.
Quel est ton processus de création ? Comment se passe une journée pour toi ?
Au cours de ma journée, j'essaie de travailler pendant au moins 8 heures. Je commence tôt et j'essaie d'être productif - en dessinant ou en tatouant - pendant toute la journée, tous les jours. Je dessine pour les clients la veille, un processus qui me prend 2 ou 3 heures. Pour moi, la création vient naturellement et je n'ai aucune difficulté à conceptualiser mes tatouages. Je continue d'étudier la technique du dessin tous les jours, ce qui m'aide à trouver des solutions que je ne verrais pas autrement.
Que t'a appris ton métier au fil des années ?
Il n'y a pas de formule magique : le "secret" pour être un bon artiste, c'est de travailler tous les jours : l'amélioration ne vient qu'à force d'efforts et de concentration. À propos de la technique, j'ai adapté ma façon de tatouer à mon style de dessin. Beaucoup d'artistes le font à l'envers, mais j'ai essayé d'accroître mes compétences en tant qu’illustrateur. Après de nombreux essais de matériel, je ne travaille plus qu'avec des machines rotatives. Je préfère ces machines qui me permettent de me rapprocher le plus possible de la façon dont je dessine sur le papier.
Quel est le projet le plus fou qu'on t'ai demandé ? Celui qui a eu le plus d’impact ?
Le premier tatouage qui a changé ma vie, je l'ai fait à Copenhague. Le client avait demandé un éléphant sur la poitrine. J'étais loin de me douter qu'il s'agissait d'un torse entier sur un homme de grande taille. Je n'avais jamais eu à faire quelque chose d'aussi imposant en si peu de temps. C'est comme cela que j'ai découvert ma façon de tatouer, ma capacité de créer des détails même sur de grandes pièces. J'ai trouvé le bon rythme et la bonne vitesse pour que le client puisse supporter plusieurs jours sans abandonner. Le résultat final a été un énorme succès ! Ce tatouage a changé le regard du public et des artistes sur mon travail : j'avais enfin trouvé ma place en tant que tatoueur ! ----- @fredao_oliveira @inkoniktattoo