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D.Grrr

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INTERVIEW Denis GRRR

par Pascal Bagot, illustrations Denis Grrr, portraits Lolo Lefourb’

L’illustrateur français Denis Grrr, bien connu pour ses pérégrinations dans les cercles de l’enfer dont il ramène inlassablement des visions hallucinées, nous revient avec une double actualité : une exposition jusqu’à la fin Avril à Paris intitulée « Sang de colère » regroupant ses superbes gravures au Bic rouge, ainsi que la parution d’un catalogue ‘déraisonné ‘ de son œuvre chez l’éditeur Zanpano. Incontournable.

Avant toute chose, il faut rappeler que l’expo est ouverte pendant le confinement. Comment s’y prend-on pour venir la voir?

C’est très simple, il suffit de prendre RDV soit par tel : 01 83 56 42 86, soit de ce rendre sur la page Facebook de l’Atelier Manjari Partners : https://www.facebook.com/AtelierManjariPartners D'ailleurs l'expo est prolongée jusqu'au 30 avril. Il y aura aussi deux signatures, une le 17 avril pour le livre “Chair de Fer“ et le 24 pour la version luxe de ma monographie “Infernal“ préfacée par Jean-Michel Nicollet.

En parlant de confinement, comment as-tu vécu cette période… particulière? Fut-elle productive artistiquement malgré tout?

Disons que l'on est déjà auto-confiné en période normale, c'est juste le fait de ne pas avoir le choix de rencontrer les gens dans un bar par exemple ou d'organiser des vernissages. En terme de production cela ne change pas grand-chose pour moi.

Il me semble que cette exposition met en lumière un travail commencé il y a un moment, avant même ton précédent recueil dédié à la Premier Guerre mondiale ‘Chair de Fer’?

Après la lourde charge de cet opus de fer et de sang, il m’a fallu une soupape amusante pour m'en dégager. J'ai en ma possession quelques petites gravures de la série des mendiants de Jacques Callot (1592-1635.) et l’idée de continuer dans l'esprit de la Cours des Miracles avec des personnages comme “Marylou la Mérou“ en y intégrant des éléments modernes m’a plu. Étrangement, en me documentant, j’ai redécouvert certains sujets bibliques et autres péchés capitaux, ça a donc vite dégénéré !

Les 7 pêchés capitaux sont justement une inépuisable source d’inspiration pour toi, que tu as déjà eu l’occasion de traiter.

J'ai estimé que je pouvais affiner le propos en raison de cette technique fouillée. Après ceux peints précédemment -en 2003- à la Cantada II, le fameux bar R'n'R Parisien, et publié en 1990 pour un jeu de rôle, j’ai voulu insister pour me tester. C’était en même temps l’occasion de rendre une forme d'hommage à Mickey (ancien patron de la Cantada, ndr) hélas disparu, R.i.P. Quand au reste, j’ai voulu puiser dans la thématique classique (Salomé, La Grande Prostituée, la danse macabre, etc), m'y confronter par le biais de la dérision (Schôn) ou de la dénonciation (La Pureté, Irene). Sans oublier les éléments infernaux “Boshien“ dans certains péchés. En observant ces maîtres graveurs comme Schongauer Matham, Goltzius, Jode, Bruegel, Holbein, Aldegrever... on s’aperçoit que l'on a rien inventé. Je suis juste un iconoclaste, un passeur qui transmet le reflet d'une tentation, d'un orgueil, de la luxure de vivre et de la gourmandise du rire. En bref, la réalité humaine.

Bic noir pour ‘Chair de Fer’ et rouge pour ces dessins, qui se déroulent à une toute autre période, la couleur sert-elle ici à distinguer les univers?

Quand j'ai rencontré Jean-Marie Vives de la galerie Manjari & Partners à l'époque d'une expo collective je lui avais montré “Astor, Reine des Trompettes des Morts“ au Bic rouge medium. La bonne surprise fut qu'il me proposa un expo dans la foulée avec ce médium. C’était il y a plus de deux ans. Les papiers de couleur ivoire se sont ensuite imposés, surtout avec ce rouge sang/grenat d'encre de stylo bille, car il insiste sur le côté charnel malgré le style gravure très incisif.

Ces dessins sont donc un hommage aux maîtres graveurs des 16e-17e siècles ?

Modestement et absolument ! C'est une période assez incroyable où la foudre et la chair se déchirent dans le péché plus ou moins originel, sur fond d'infidélité, de meurtres, d'exaspérations des sentiments, d'hystérie sabbatique, de présages lugubres. Dans les tourbillons de l’âme humaine bouillonnante, dans le foutre apocalyptique de la Révélation de l’icône iconoclaste ! Et puis, bien sûr, il y a ce travail incroyable de gravure sur bois, cette finesse du geste ciselé. Ce qui me plait aussi dans la gravure renaissance, c'est le hors-champs, où il se passe quelque chose : cela peut être un paysage, une scène ou la présence d’un symbole. J'en ai donc profité lâchement pour en intégrer avec mes visions drolatiques. Pour la Paresse, il y a un âne (son symbole) arrimé à un ballon qui n'en branle pas une (quoiqu'en début d’érection) tout en fumant sa tige. Ou Adam par dépit se cuite au pied de l'arbre du savoir.

Tu repousses une nouvelle fois les limites des possibilités du Bic. Les dessins sont hallucinants de détail.

C’est certainement une nouvelle expression de mon coté maniaque, présent depuis mes débuts. Mais avec le stylo bille c'est pire ! C'est un travail spontané qui ne pardonne pas, il ne faut pas se louper ; comme un tatouage d'ailleurs. L'encre de Bic est très difficile à recouvrir.

Quelles difficultés représentent ce travail au rouge en comparaison avec celui au noir?

Aucune, si ce n'est que la marque Bic medium a changé l'encre de ses stylos “cristal“, elle devenue beaucoup plus rouge, m’obligeant à commander un stock en Angleterre. Les anglais débarquent toujours…

Ton actualité c’est aussi un livre chez Zanpano, peux-tu nous en parler?

Tout à fait, c'est une sorte de rétrospective avec des inédits étoffés par un cahier de crayonnés imprimé sur un papier différent. Je voulais un format 24x32 pour y mettre certaines pochettes de disque, aussi grandes que possible, en particulier les deux mythiques des compilations Masters of Brutality (Roadrunner) jamais sorties en vynil. Elles rejoignent d'autres plus récentes, bien sûr, auxquelles j’ai retiré les lettrages des groupes. J’y ai aussi mis des images de t-shirts, tirées de jeux de rôles, des affiches et mon travail aujourd’hui au stylo bille et au feutre, accompagné de son catalogue ‘déraisonné’. Ce livre est dédié à Mickey Maouss grâce à qui j'ai démarré ma carrière d'illustrateur avec une pochette de 45t. de son groupe de HxC en 1987. Enfin, j'ai eu l’honneur que Jean-Michel Nicollet, éminent illustrateur de diableries (par ailleurs professeur de dessin à Lyon de P. Jozelon et J.L. Navette) dont la technique et les sujets à cornes invoqués par des sorcières sanglées de cuir dans la nuit de Walpurgis (date à laquelle se finira l'expo) m’ont beaucoup inspirés, préface cet ouvrage. Et comme j'aime le livre, l'objet, nous avons ajouté un tirage de 100ex numéroté et signé comprenant un portfolio très X emboîté dans un beau coffret. Liens utiles : - Infos Expo, tarifs des originaux, tirages et portfolio : https://manjari-partners.com/portfolios/denis-grrr/ - Le livre “INFERNAL“ en 2 versions (luxe 100ex. et normale) direct chez l’éditeur : http://www.zanpano.com/catalogue39.php - www.D-GRRR.com