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Guen Douglas – Hot Pocket

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Guen Douglas – Hot Pocket

Née au Canada, Guen Douglas a grandi au Royaume-Uni avant de s'installer en Hollande pour travailler au célèbre shop « Salon Serpent » aux côtés d'artistes comme Angélique Houtkamp ou Kim Ahn. Puis elle part travailler à Brighton avec Phil Kyle chez Magnum Opus. Maintenant installée à la Taiko Gallery à Berlin, elle ne veut plus en partir. Déterminée à ne pas mettre d'étiquette sur son style, son art transcende le néo-traditionnel, avec une pointe d'illustratif et de pop culture à l'influence comics. Ses visages de femmes sont connus pour leur touche fantaisiste et leurs éléments naturels ou les personnifications de chiens et de chats, adorables et drôles. Rencontre avec ce talent éblouissant et ses flashs pop amusants représentant des hommes en slip kangourou.

Peux-tu nous présenter ton parcours ?

Je suis originaire du Canada et du Royaume-Uni car ma mère est franco-canadienne et mon père est écossais. J'ai alors grandi une moitié de ma vie au Canada et l'autre au Royaume-Uni et ensuite nous sommes partis du Canada quand mes parents ont décidé de s'en aller . Je voulais à l'origine me concentrer sur des études de droit et j'ai finalement choisi la criminologie mais j'ai laissé tomber mon université anglaise à 18 ans après 2 années à découvrir les garçons et le rock'n'roll et tout ce qui l'entoure. J'ai beaucoup fait la fête, j'ai été barmaid et pour le coup j'ai en quelque sorte commencé tard pour une tatoueuse. J'ai commencé à tatouer en 2005 quand j'avais déjà 26 ans. J'entame désormais mes 12 ans de pique cette année et maintenant je vis à Berlin. Ces dernières années j'ai habité à Rotterdam et Amsterdam pendant 3 ans, puis à Brighton pendant quelques années . Maintenant je ne veux plus bouger comme ça, déménager c'est aussi un moment de stress et j'ai désormais un chien et un très joli appartement, que rien ne me ferait quitter. Avec un peu de chance, je resterai à Berlin pour quelques temps !

Ton style, en 12 ans s'est-il transformé ?

Forcément, venir en Europe m'a véritablement influencée, parce que le genre le plus souvent utilisé au Canada s'inspire de l'Art Nouveau, du graffiti et d'un style d'illustrations urbaines. Tout était toujours travaillé dans ce sens et venir en Europe, c'est revenir à un ancrage plus traditionnel, les gens apprécient plus le traditionnel japonais et américain, donc j'ai essayé de trouver un terrain entre illustratif et traditionnel et maintenant je peux dire que je me reconnais. J'ai peut-être été plus dans une direction parfois qu'une autre mais maintenant je pense avoir bien défini mon trait. Quand je regarde mes tatouages d'il y a quatre ans, j'y vois une constance jusqu'à maintenant.

Les couleurs font-elles partie intégrante de ton style ?

Ma palette de couleurs change toujours, ce que j'apprécie vraiment c'est de me tourner vers des peaux aux couleurs traditionnelles, des choses plus sobres car pendant longtemps j'ai encré des femmes en travaillant sur des palettes douces et mon travail, même s'il est féminin, est aussi vraiment puissant et audacieux. Je pense que parfois c'est intéressant d'avoir ce type de contrastes : un sujet doux avec un impact fort. Tu t'es penchée sur un nouveau genre de designs dernièrement très sexy, marrant et pop que tu intègres dans tes tattoos, pourquoi? Ca vient de l'idée que je me fais du néo-traditionnel parce que tout le monde me rangeait toujours dans cette case. Car si tu y regardes bien, c'est un simple mélange, ça ne veut pas dire grand chose. C'est comme parler de musique alternative dans les années 90. Ils rangent tout ce qu'ils peuvent dans le même panier. A la minute où je me suis débarrassée de ce titre (néo-traditionnel), je me suis mise à réfléchir à ce que j'aimais et mes influences profondes ; comme les comics. C'était vraiment une bonne influence en grandissant, j'adore les comics, les Marvel et j'avais un frère qui se formait à être animateur donc je regardais beaucoup de cartoons avec lui. De plus, il y a toujours quelques éléments de traditionnel dans mes tatouages, c'est constant pour moi, des lignes noires robustes et des couleurs vigoureuses avec un twist façon comics parce que j'aime pouvoir transformer n'importe laquelle de ces caractéristiques et l'appliquer pour chaque design basé sur ce dont à besoin le motif pour fonctionner. Certains tatouages seront parfaitement réalisés plus traditionnels et d'autres plus illustratifs, voire décalés façon comics. Il est tout de même préférable d'avoir un répertoire plutôt que de ne faire que du traditionnel ou un autre genre. A la fois pour le client comme pour moi-même. Pour ma part se demander ce qui rendra chaque motif plus frappant, ça évite de se retrouver coincé à ne faire qu'un seul genre ou à cinq mêmes couleurs...personnellement, je peux faire ce que je veux.

Maintenant, tu proposes des motifs sexy, féministes et accrocheurs, pourquoi ?

Tout ce que je dessinais, ça toujours été un peu « sainte-nitouche » en tattoo, comme si c'était fait pour les filles de « bonne famille », parce que c'est sympa de le faire avec un peu de sens de l'humour car le sexe, c'est fun ! Et même si c'est un milieu très masculin, on pense aussi aux hommes comme des objets. D'ailleurs la première fois que j'ai fait un de ces motifs représentant uniquement l'entrejambe d'un homme, un de mes amis tatoueurs masculin a lancé « oh, c'est légèrement gay ». Alors je lui ai répondu qu'en y regardant de plus près, c'est assez étrange de penser que le spectateur est forcément un homme ! Peut-être parce que ça ne t'ai jamais venu à l'esprit que le spectateur puisse être une femme et regarder les hommes en sous-vêtement en pensant : « ce qu'il m'excite ! ». Il s'est senti honteux et a vite compris qu'il avait tord. Mais le spectateur n'est pas toujours masculin et tout n'est pas juste là pour être vu par des hommes gays mais aussi pour des femmes hétéro ou des femmes gays et tout ce qu'il y a entre deux ! Au final, ce fut une bonne conversation à propos de tatouage car beaucoup de mecs partout dans le monde ont certainement déjà piqué ces drôles d'entrejambes sexy, même si je n' ai jamais rencontré de tatoueurs gays ils ne devraient pas rester dans l'ombre. Ces motifs m'ont donné un joli moyen, amusant de me connecter à différentes personnes, c'est drôle à collectionner et facile et j'en fais aussi avec des entrejambes de femmes... tu peux le cacher n'importe où sur une de tes jambes, c'est amusant à faire !

Les Berlinois ont-ils tout de suite adhéré à ton style ?

La plupart de mes clients ne sont pas nécessairement des berlinois, on en a de plus en plus mais le style favori à Berlin, c'est le noir, heavy black work et minimaliste. On peut y admirer beaucoup de minimalisme, une sorte de black work traditionnel, du noir solide mais il n'y a rien du côté comics et illustratif. Certains font du New School, mais comme on adhère pas réellement à une de ces catégories, on reste à part. C'est une ville sympa à vivre et à visiter, ce n'est pas très cher, on est pas débordé de travail, on peut prendre le temps avec nos clients et approfondir pour en faire une meilleure expérience chaque jour et non pas travailler le plus possible pour balancer des tonnes et des tonnes de tattoos, il est important pour moi que lorsqu'on sorte du shop, le client ait eu une très belle journée. C'est une expérience de A à Z, on traine, on a la possibilité de le faire car on est deux à gérer le shop et il n'y a personne d’autre.

Quelle est la suite pour toi ?

Je veux vraiment rester à Berlin pour le moment. Je ne me vois nulle part ailleurs. Je souhaite continuer dans cette voie. J'adore aussi fabriquer des objets, et réaliser des projets à côté du tatouage. J'ai fait quelques pins et tee-shirts, cette année je n'ai pas voulu faire de prints car l'an dernier les miens n'avaient pas très bien marché. Je n'ai moi-même pas vraiment d'espace sur mes murs alors que c'est pareil pour la plupart des gens. Je ne voyage plus beaucoup donc la priorité pour moi est de m'installer, de trouver ma place, on est en plein cœur de l'Europe et tout le monde peut s'y rendre très facilement. C'est plutôt sympa, il y a énormément de choses à faire, de clubs et tout ce que l'on peut y chercher ! Il y aura forcément quelque chose à faire chaque soir à Berlin. C'est une bonne expérience en générale, les gens viennent aussi pour visiter et non seulement se faire tatouer. Ce n'est pas comme si c'était en plein milieu de nulle part ! Guen Douglas – Taiko Gallery, Berlin @taikogallery @guendouglas guentaikogallery@gmail.com guendouglas.bigcartel.com