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Liam Sparkes

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Liam Sparkes - Old Habits & fresh ink

Texte : TD – Visuels : @Liam Sparkes / Portrait : ©Noor Datis /Image : Liam_Sparkes1©Noor Datis

Connu pour ses visuels à l'essence noir et à l'esprit « bagnards », Liam Sparkes est aussi musicien et joue actuellement dans Jessica93. C'est un de ceux qui ont très vite trouvé plongé leurs aiguilles dans de vieilles gravures, utilisant dot et hachures, pour piquer des motifs sombres à la façon de prisonniers russes ou de celle des mauvais garçons de l'infanterie française. Issu d'une génération anglaise précurseur d'un black work dans la lignée de Hooper et Duncan X, il nous parle de sa boutique : Old Habits dans l'Est Londonien.

Tu es le gérant d'Old Habits (Londres) depuis un an maintenant, comment cette occasion s'est présentée ?

Je voyageais et tatouais un peu partout dans le monde depuis quelques années mais je travaillais à l'origine pour Shangri Las (Londres). Il y a deux ans, le boss de Shangri Las a voulu mettre la clef sous la porte et vendre la boutique. C'était l'opportunité parfaite pour moi ! C'était aussi le moment opportun pour arrêter de voyager autant et me poser un peu. Je bougeais toutes les semaines, j'étais constamment ailleurs à cette époque. C'est sympa mais je vieillis, donc c'est une évolution logique pour moi.

Tu as rapidement été rejoint par Duncan X depuis novembre 2016, c'est une de tes influences ! Comment as-tu reçu la nouvelle ?

Duncan X est venu nous rejoindre et c'est génial ! On est amis depuis 10 ou 12 ans désormais. Je me faisais tatouer par lui avant même d'encrer. C'est mon maître et une grande inspiration pour moi au même niveau que Thomas Hooper, qui est aussi un de mes maîtres en tattoo. C'est un rêve qui devient réalité d'avoir Duncan qui travaille chez Old Habits, c'est fou !

Qu'en est-il de ta formation universitaire ? Tu as fait les Beaux Arts, cela t'a-t-il inspiré à devenir tatoueur ?

C'était il y a plus de 17 ans maintenant, je faisais de la sculpture et c'était une bonne inspiration pour faire de l'art et tout ce qui touche au domaine artistique. J'étais aussi très intéressé par l'Histoire de l'Art. Ce fut une bonne formation car j'ai intégré beaucoup de choses apprises artistiquement dans ce que je fais en tatouage. Une des choses que j'ai comprises grâce aux Beaux-Arts c'est que j'ai toujours aimé travailler avec mes mains. Dans tout ce que j'ai fait : de la batterie à la sculpture en passant par le tatouage... Tout à toujours été manuel.

Travailles-tu toujours la sculpture ?

Non, j'ai abandonné. J'ai travaillé quelques mois après l'université pour un artiste sculpteur. Un vieux mec plutôt célèbre, pendant un an... et ça m'a donné envie de tout arrêter ! C'était une expérience étrange. Avec la sculpture il faut avoir beaucoup d'espace, c'est stressant. Peut-être qu'un jour je m'y remettrai, quand je serai plus vieux.

Tu travailles un style inspiré par d'anciennes lithographies, pourquoi as-tu pris ce tournant, particulièrement ?

Au début je m'inspirais de lithographies car quand je me faisais tatouer, à l'origine, je recherchais tout particulièrement ce type de motifs. Mais à cette époque, il n'y avait peu de monde qui tatouait de cette manière. Le Black Work n'était pas aussi important qu'aujourd'hui. Seulement cinq personnes que je connaissais peut-être, tatouaient de cette façon. Ensuite, lorsque tu voulais simplement du noir, la plupart des tatoueurs tentaient d'ajouter quelques couleurs au design... C'était donc plus difficile il y a quelques temps de se passionner pour ce type de tattoos. Puis, j'ai rencontré Hooper et Duncan. J'étais à l'université en même temps qu'Hooper et j'ai fait mon premier tattoo avec lui. A l'époque, il encrait déjà un genre de tatouage similaire à ce que je cherchais. Aujourd'hui, la gravure me plait toujours mais c'est un peu redondant pour moi après toutes ces années. Maintenant, raconter des histoires en tatouage, de manière brutale et quasi dans l'absurde, c'est ce qui m'attire le plus. Je me concentre plutôt sur les émotions et moins sur la technique pure et dure. Mais au fond, j'adore toujours le style gravure.

Tu as fondé ton univers sur une technique d'ombrage utilisant à la fois le dot et la hachure, est-ce toujours un élément important de tes compositions ?

Oui, j'utilise toujours de manière importante la ligne et le point. C'est assurément une inspiration technique majeure mais ce qui est le plus important pour moi c'est la sensation qui ressort de chaque pièce.

Tu as été musicien pendant longtemps, tu jouais de la batterie, est-ce que la musique continue de t'inspirer ?

Autant j'aime le tatouage dans un style brutal autant j'aime la musique du même genre. Tout ce qui est très fort en émotions, comme les compositions de Chelsea Wolf. C'est la même chose avec le tatouage. J'admire tout ce qui crée une atmosphère, un sentiment étrange. C'est aussi ce que ressentent les gens lorsqu'ils voient ce type de tatouage. Je suis lassé de voir des tattoos qui n'ont aucun message, aucune signification ou ne révèlent rien. Personnellement, ils ne me touchent pas, c'est statique. On le regarde comme on regarderait un papier peint. C'est aussi pourquoi ce type de tattoo ne m'intéresse pas tellement.

Tu as toujours fait dans l'encre noir, pourquoi ne pas toucher à la couleur ?

Je n'aime pas la couleur. Je n'en ai jamais eu. Au début, j'ai fait des tattoos en couleur, dans un style old school traditionnel. J'ai utilisé toutes sortes de couleurs, car quand tu débutes et si tu veux devenir tatoueur, tu dois pouvoir tout encrer et tout connaître. Maintenant, cet état d'esprit a changé mais pour autant je n'aime toujours pas la couleur. C'est donc simplement un choix esthétique.

Revenons à tes débuts, il semble que malgré ton entourage, tu aies débuté seul, es-tu passé par un apprentissage en bonne et dû forme ?

Après l'école j'ai joué de la musique pendant 10 ans et j'ai commencé à me faire tatouer cinq ans avant de devenir tatoueur moi-même. Je ne faisais que jouer de la musique pendant toute cette partie de ma vie et accessoirement, je travaillais dans une librairie. Je gérais la boutique, ce qui m'a aussi beaucoup inspiré car je suis totalement obsédé par les livres. J'en ai énormément. Ensuite, j'ai commencé à tatouer chez moi. J'étais marié pendant six ans et lorsque j'ai commencé à tatouer, ma femme m'aidait à m'organiser avec la clientèle chez moi. J'ai continué pendant quelques années avant de travailler chez Shangri Las. Ce fût le seul shop de Londres pour lequel j'ai travaillé.

Quelle question aimerais-tu que l'on te pose ?

Je m'intéresse beaucoup à la philosophie d'Alan Watts. Il a beaucoup inspiré ma vie récemment. Je recommande largement ses écrits à tout le monde. Sa philosophie permet d'apaiser son âme et de rendre les choses simples.

Souhaiterais-tu que tes clients réfléchissent un peu plus au sens donné à leurs tatouages ?

Lorsqu'il s'agit de se faire tatouer, on ne devrait pas trop y penser en réalité. La manière dont j'apprécie le plus travailler est à partir de cette impulsion. J'aime que les clients soient juste partants et choisissent quelques options. S'ils n'y pensent pas trop, c'est aussi plus spontané et ça ne peut qu'apporter un meilleur résultat que lorsqu'on y réfléchit depuis longtemps. D'ailleurs les clients français ne sont pas les plus spontanés. En général, ils aiment avoir le contrôle sur ce qu'ils vont se faire encrer, ce qui peut parfois être problématique. Il est préférable de se laisser aller, c'est aussi ce qu'enseigne Alan Watts. Laisser la vie venir à soi plutôt que d'essayer de la contrôler, c'est une philosophie qui fonctionne également avec le tatouage.

Te fais-tu encore piquer ?

Plus vraiment maintenant, je suis complet, tout est rempli. Ces dernières années je me suis fait tatouer par des amis, la plupart tatoueurs eux-mêmes. Si c'est le bon moment, j'aime le faire de cette mais j'ai beaucoup appris de l'époque où je commençais à tatouer. Je ramenais toujours une image de ce que je voulais et après quelques années j'ai compris que c'était mieux de faire ce que le tatoueur avait prévu, parce que l'artiste est habitué à regarder beaucoup d'images et se confronte quotidiennement à l'Art et l'imagerie tattoo. Ils ont une bibliothèque d'images importante et ils savent parfaitement ce qui sera esthétique. Ils s'y connaissent bien mieux que quelqu'un qui regarde quelques images de temps à autre. Donc j'ai moi-même appris à lâcher prise quand je me fait tatouer.

Tu t'es aussi fait encrer par Guy Le Tatooer, non ?

On avait l'habitude de voyager ensemble et j'ai cumulé pas mal de pièces de lui, un peu partout, des petits flashs. On s'est beaucoup tatoués l'un l'autre et c'était une chouette expérience de voyager avec lui. C'est un des meilleurs je dirais, un trés bon tatoueur.

Qui est dans ton équipe à Old Habits ? Une petite présentation s'impose !

Il y a deux mecs maintenant : Ryan Jessiman et Caleb Kilby. Deux disciples d'Hooper, ils sont l'un comme l'autre extrèmement tatoués par ce dernier et sont dans la même tranche âge. Ils font partie de la même génération que moi, sur ce point , c'est parfait. Les autres gars et Clare sont cools, ils continuent la tradition d'un tatouage noir, profond et brutal avec des motifs intéressants. Pour autant je ne veux pas faire d'Old Habits un sanctuaire du black ink, l'essence du shop ça reste basé sur une boutique à l'ancienne avant tout, comme un classique tattoo shop devrait encore l'être. Et non uniquement le noir, autrement ce n'est pas bon. J'aime le côté classique et traditionnel.

Quels sont tes futurs projets ?

Je voudrais vivre une vie facile donc j'en construis les fondements autour de moi afin de vivre facilement. Ne plus avoir le stress de ces dernières années même si j'avais le sentiment que je devais me prouver quelque chose, une sorte de mission dans la propagation du monde du tatouage noir et brutal et je pense que j'y suis parvenu. C'est aussi quelque chose qu'Alan Watts énonce et qui a changé ma vie. Il a dit que : « Supposons que nous sommes capables de rêver chaque nuit de ce que l'on souhaite. Et naturellement dans cette aventure de rêves, vous réaliseriez toutes vos envies. Vous auriez toutes sortes de plaisirs, et après plusieurs nuits vous vous diriez « c'est super ! ». Mais si vous vous laissiez aller à la surprise et que vous tentiez un rêve qui n'est pas sous contrôle. Ainsi quelque chose arriverait de totalement imprévu. Alors vous deviendriez de plus en plus courageux et vous vous lanceriez dans des défis plus grands et plus ambitieux que ce à quoi vous rêviez. Et finalement vous rêvez simplement d'être là. » Je pense que la vie c'est tous ces différents rêves. Pour moi, la sculpture en est un, jouer de la musique en était un autre, travailler dans une librairie également, maintenant quand j'y repense j'y songe en tant que des rêves réalisés. Peut-être que tatouer et voyager est aussi un autre rêve et un jour je me réveillerai de celui-ci là où je suis à présent. Ce que j'essaie d'expliquer c'est que parfois tu finis par faire quelque chose et simplement le faire. Et tout à coup tu te réveilles et te dis : c'est ce que je suis. Tu n'avais jamais réellement songé à partir dans cette voie mais en dehors de cela, être tatoueur reviens un peu au même. Un jour tu te regardes dans le miroir et tu te dis « fuck » . Je suis vieux, couvert de tatouages maintenant. Alors, tu te réveilles et tu commences à rêver de la situation actuelle. Si ça a du sens. Personnellement, mon rêve maintenant est de prendre la vie comme elle vient. Informations : Old Habits 364 Kingsland Road London E8 4DA +44 (0) 2o3 609 0931 oldhabitstattoo@gmail.com www.oldhabitstattoo.com Instagram : @liamsparkessok // @oldhabitstattoo