Avec un trait représentant faune et flore de manière presqu'ornementales, les créations d'Alexis révèlent son amour de la nature et de sa beauté, le tout transcendé par une certaine sensualité ressortant de ses designs. C'est d'ailleurs une explosion de féminité qui se distille dans son travail. Originaire de Melbourne, cette artiste de 25 ans a emménagé il y a 4 ans sur la Gold Coast australienne, à Surfers Paradise, où le sable est aussi doux et frais que ses motifs.
Comment as-tu commencé ton expérience tattoo ?
Quand j'étais adolescente, j'écoutais beaucoup de musique hardcore et de métal. J'ai commencé à aller en concerts à l'âge de 13 ans et j'étais si impressionnée par la génération plus âgée alors très tatouée que ma fascination, ne s'est plus arrêtée.
Comment as-tu appris à tatouer ?
A 16 ans, je dessinais des flashs de tatouage et des images du genre. À l'époque, une de mes meilleures amies, Molly, travaillait au salon de tatouage de Jed Hill à Ballarat. Il tatouait depuis près de 40 ans à ce moment-là et demandait souvent à voir mes dessins puis m'encourageait. Un peu plus tard, j'ai pris le train pour Ballarat pour lui rendre visite, avec l'intention de me faire un nouveau tatouage. Quand je suis arrivée, il m'a fait asseoir et nous avons discuté autour d'une tasse de café. Il m'a ensuite regardé droit dans les yeux et m'a dit : "Tu ne vas pas te faire tatouer aujourd'hui, tu vas faire ton premier tatouage !". Ce fut un gros coup de pouce pour moi. Évidemment, j'essayais de me diriger vers le tatouage depuis longtemps, mais je ne m'attendais pas du tout à y plonger de cette façon. Et ça ne s'est pas passé comme je m'y attendais non plus et j'ai été virée au bout d'un mois seulement. Après ça, j'ai fini par travailler dans un street shop à Williamstown (périphérie de Melbourne, ndlr) aux côtés de Lucky Diamond Rich (l'homme le plus tatoué du monde). Lucky n'était pas propriétaire de la boutique, et il n'était pas nécessairement mon mentor ; je n'en ai jamais vraiment eu, bien que, j'ai beaucoup appris de lui. Un an plus tard, j'ai fini par déménager sur la Gold Coast et j'ai travaillé dans pas mal de street shops très fréquentés. Observer les artistes et faire des promenades « découvertes » la majeure partie de la journée m'a permis d'affiner énormément mon tatouage.
Pourquoi le tatouage?
Le tatouage semblait être une progression naturelle à la suite de mon travail en peinture. Car, dans mon expérience personnelle la peinture a toujours été un énorme moyen de libérer mes émotions. C'est tellement fou de savoir que les gens ont ressenti un lien si fort avec mes dessins qu'ils veulent les porter de manière permanente sur leur peau. Cela en soi est tellement gratifiant, parce que je pense que l'échange d'énergie lors de l'acte du tatouage peut-être, dans ce sens, une sorte de guérison mutuelle pour les deux parties. Je suis extrêmement chanceuse de pouvoir désormais vivre de l'art que je crée. Bien que cela ait toujours été une de mes aspirations, ce n'était pas ma priorité. Mes grands-parents du côté de ma mère sont à la fois des artistes établis et reconnus. Je les ai toujours admirés et j'ai toujours voulu être comme eux. C'est vraiment un rêve d'être déjà à ce stade dans ma vie.
Qu'est-ce qui te plait le plus dans le tatouage ?
J'ai découvert le monde du tatouage à travers le style traditionnel, ce que j'aime c'est une ligne plutôt audacieuse avec des ombrages bien noirs et épais. Je suppose que ça se voit à mes tatouages. Au fil des ans, mes goûts se sont définitivement élargis, et j'apprécie maintenant un plus large spectre lorsqu'on parle de différents styles. Mais ces temps-ci j'en viens surtout à mieux apprécier le travail de quelqu'un lorsque je m'entends bien avec cette personne. Si j'en garde un souvenir impérissable sur ma peau pour le reste de ma vie, je préfère qu'il soit agréable et qu'il en dégage une bonne énergie.
Tes tatouages et motifs sont en grande majorité des représentations autour de la nature et des femmes, pourquoi ?
C'est une interprétation courante que lorsqu'un artiste dessine une figure humaine, elle est inconsciemment une représentation de soi. Cela n'a jamais été intentionnel et je l'ai certainement nié dans le passé, mais je suppose que les filles que je dessine sont parfois une représentation d'une partie de moi. Mon style et mon art font office d'exutoire émotionnel pour moi, surtout quand je dessine pour mon plaisir, c'est un véritable loisir. Je suppose que mes dessins reflètent visuellement ce qu'il se passe en moi, émotionnellement de manière subconsciente. Au début de ma carrière, mes dessins étaient très sombres et un peu déprimants. Le style était similaire, bien que le sujet soit plus noir. En y repensant, mon état d'esprit n'était pas sous son meilleur jour. Depuis je suis transformée, tout comme mes dessins ! C'est un grand changement dans mon état d'esprit et le fait d’emménager aussi dans une région au climat plus chaud, d'explorer le plein air et d'apprécier profondément les dons de la nature m'ont aidée. C'est si facile de tenir le soleil pour acquis quand il nous rend visite tous les jours mais on ne réalise pas à quel point ce qu'il nous apporte est vraiment irremplaçable : la vie et sa chaleur sont une motivation constante. Parfois, le fait de penser à l'ampleur de son énergie me fait me sentir ridiculement minuscule et met tellement de choses en perspective et surtout me fait réaliser à quel point mon stress quotidien est insignifiant. Être sous le soleil, dans l'eau ou entourée de jolies plantes m'aide à régénérer mes batteries et à me concentrer sur ce qui est réellement important. C'est tellement plus facile et agréable pour moi de dessiner des choses auxquelles je peux m'identifier. J'ai de la chance que des gens se retrouvent dans mon travail et me permettent de continuer à faire ce que j’aime.
Quelle est ta relation avec le tatouage et les tatouages en tant que femme ?
Le fait d'être une femme dans une industrie à prédominance masculine a certainement ses avantages et ses difficultés. J'ai déjà fait l'expérience de la misogynie au travail. J'ai travaillé avec des hommes qui n'arrivaient pas à comprendre que quelqu'un puisse être à la fois talentueux et attractif; comme si le succès venait soit avec l'un soit avec l'autre. On m'a dit que c'est parce que j'avais une paire de seins que les gens voulaient se faire tatouer par moi ou que j'avais du succès, sans même tenir compte de mes années de dur labeur ou d'un quelconque talent. Parfois, c'était vraiment décourageant. D'un autre côté, je suis très reconnaissante d'avoir autour de moi une communauté aussi forte de tatoueuses qui sont tout aussi avant-gardistes et qui apportent une vision progressiste et marquent l'industrie de leur impact afin de préparer le terrain pour l'avenir.
Qu'aimerais-tu exprimer le plus à travers tes tatouages ?
Un des thèmes les plus forts de mes tatouages c'est le rapport à la nature et à la vie. C'est extrêmement important pour moi. Tout est lié, et la façon dont nous traitons et interagissons avec les créations de mère nature se reflète vraiment dans l'âme d'une personne. Nous sommes vraiment entourés d'énormément de beauté dans ce monde.
Quel jugement peuvent avoir les gens face à ton corps tatoué? Il est aussi prouvé par un psychologue que les réactions des hommes sont différentes face à des femmes tatouées... en as-tu fais l'expérience ?
Ça peut vraiment aller dans les deux sens. J'ai l'impression que les gens se servent de leur opinion sur mes tatouages pour entamer une conversation. J'avais l'habitude de m'énerver à ce sujet, mais voir quelqu'un avec beaucoup de tatouages est si normal pour moi que j'oublie souvent que c'est très inhabituel et intriguant pour une personne lambda. Heureusement, la plupart du temps, quand les gens m'arrêtent en public, c'est pour me complimenter sur mes tatouages, ce qui est vraiment gentil. D'un autre côté, certaines personnes pensent automatiquement que je suis quelqu'un de dur ou difficile d'accès parce que j'ai des tatouages. J'ai sans aucun doute déjà remarqué des regards déplacés envers moi qui en disent long sur le jugement d'une personne, sûrement plus que des mots. Ça reflète aussi ce qu'il y a d'ouverture d'esprit et de cœur chez eux, mais je suppose que c'est pour chacun un cheminement personnel à accomplir.
En tant que collectionneuse de tatouage, comment le tatouage te permet de t'exprimer ?
Je suis assez fière de mon apparence, ce doit être le Lion qui est en moi. J'aime le fait d'être capable de m'exprimer tout autant que mon amour pour l'art de façon personnelle et de manière visible sur ma peau. J'ai l'impression de pouvoir porter tant de souvenirs sur moi partout où je vais sans jamais les perdre ou les égarer. J'aime pouvoir aider les gens à s'exprimer de la même manière. Certains de mes tatouages sont relatifs à des sentiments personnels, et certains d'entre eux ont été choisis juste parce que je les aimais sur un niveau esthétique. Certaines personnes croient qu'un tatouage doit avoir un sens, et certains pensent qu'il ne devrait pas; mais que les deux raisons sont des choix parfaitement valables lorsqu'on se tatoue. D'une façon ou d'une autre, on exprime qui l'on est et cette interprétation de soi-même devient une représentation visuelle sur peau.
@Disintegrationxvx Alexis Hepburn Alfred Street Tattoo, Gold Coast Australia