Avec trois décennies de tatouage derrière lui, l’Américain Jake Meeks est non seulement un vétéran au style affirmé mais aussi un entrepreneur particulièrement actif dans le milieu. Après avoir lancé le premier podcast sur le tatouage en 2013, le Texan de Memphis est aujourd’hui à la tête d’une plateforme multimédia destinée à la croissance des professionnels. Une initiative portée par une volonté d’ouverture qui, bien qu’elle ait fait grincer quelques dents à l’époque, a amorcé une ère de partage aujourd’hui généralisée.
Tu tatoues depuis près de 30 ans maintenant, comment cela débute-t-il ?
J'ai commencé à tatouer au printemps 1996, après m'être fait faire un tatouage assez mauvais dans un street shop local. Je ne m'attendais pas à ce que cela devienne une carrière. Je faisais des études d'art et je pensais que le tatouage me permettrait de gagner un peu d'argent jusqu'à ce que j'obtienne mon diplôme et un « vrai travail artistique ». Finalement, l'industrie du tatouage s'est développée et des artistes plus qualifiés ont commencé à tatouer. Je pense que cela m'a incité à travailler plus dur pour devenir un meilleur artiste et à prendre le tatouage plus au sérieux qu'auparavant.
Comment définirais-tu ton style ?
Ces jours-ci, je me concentre sur le travail d'illustration à grande échelle. J'aime beaucoup l'idée de créer un récit ou une histoire à travers les tatouages.
Au fil des ans, tu es devenu un entrepreneur dans le milieu tatouage et non plus seulement un artiste. Comment ce changement s'est-il produit ?
C'est arrivé par accident. En janvier 2013, j'ai perdu mon fils et j'avais besoin de trouver quelque chose pour occuper mon temps et mon esprit. Le podcasting était un média assez nouveau et je n'arrivais pas à trouver un podcast qui se concentrait sur le tatouage. J'ai convaincu mon ancien compagnon d'atelier et ami David Evans d’en lancer un. À l'époque, je n'avais pas l'intention de le monétiser. C'était juste une distraction amusante.
Cet esprit d'entreprise se retrouve ensuite sous la bannière du réseau Fireside tattoo, une plateforme d’information et d’apprentissage avec notamment une chaîne YouTube. Quels étaient tes objectifs lorsque tu l’as lancé en 2013 ?
À l'époque, je n'avais pas vraiment d'objectifs spécifiques, si ce n'est de voyager, de rencontrer et d'interviewer des artistes intéressants dans le but de partager des informations avec la communauté du tatouage. Au fur et à mesure que la chaîne grandissait et devenait plus influente, j'ai commencé à penser davantage à fournir un contenu éducatif structuré plutôt que de parler de tatouage au hasard.
Quelles sont les activités aujourd’hui de ce réseau ?
Fireside a toujours eu pour objectif d'aider les tatoueurs à développer leurs compétences. Nous sommes beaucoup plus axés sur le design que sur l'application technique à travers notre chaîne YouTube et nos cours, même si nous plongeons dans la technique dans notre groupe privé le « Inside Fireside Tattoo Club ».
Le contenu que tu proposes est axé sur l'éducation, l'enseignement et la diffusion des connaissances, avec des cours payants et des informations gratuites. Les tatoueurs modernes ont-ils encore besoin d'aller au studio pour apprendre et progresser ?
Je pense que le modèle mentor/apprenti reste la meilleure façon d'apprendre un métier ou une compétence. Il est très difficile d'apprendre à tatouer en ligne. Je reconnais toutefois que tous les apprentissages ne sont pas créés de la même manière et que l'éducation en ligne peut être un excellent outil en plus d'un apprentissage structuré.
Le monde du tatouage est traditionnellement conservateur. As-tu reçu des critiques de la part de la profession pour avoir partagé autant d'informations ?
Les premières années, nous avons essuyé pas mal de critiques. En particulier lorsque nous partagions des informations techniques. Au fil des ans, les critiques se sont atténuées. Nous vivons aujourd'hui à l'ère de l'information et de nombreux tatoueurs partagent leurs procédés. Je pense que ce partage s'est avéré très bénéfique pour le tatouage en général.
Avec la disponibilité de nouveaux outils numériques et le développement de nouvelles technologies, la profession est plus accessible que jamais. Elle doit pourtant aussi faire face à d'autres défis et difficultés.
Oui. Des outils que nous utilisons à l'imagerie IA en passant par les robots de tatouage, les choses évoluent rapidement. Je pense que l'état d'esprit est important lorsque l'on pense à la technologie. Je ne pense pas que l'IA et les robots prendront nos emplois, mais je pense qu'un artiste maîtrisant parfaitement ces technologies remplacera les artistes qui refusent de les adopter.
L'IA est-elle un danger ou une opportunité pour les tatoueurs ?
Je la vois comme un partenaire créatif. Je l'utilise pour rechercher de l'imagerie et trouver de nouvelles idées de symbolisme dans mes dessins. Je pense également qu'elle peut remplacer avantageusement la recherche d'images de référence sur Google Image ou Pinterest.
Concurrence, polyvalence, communication, progrès techniques et artistiques - les tatoueurs d'aujourd'hui doivent-ils être des « super tatoueurs » pour exister ?
Je pense qu'il existe encore un marché pour les tatoueurs qui ne sont pas intéressés par une carrière d'artiste ou par l’a réalisation de body-suits. D'après ce que je peux dire, le tatoueur de street shop à l'ancienne, qui gagne sa vie grâce aux walk ins et aux flashs, a toujours sa place dans notre culture.
Comment ton entreprise s'est-elle développée depuis 2013 ?
Nous avons actuellement environ 50 membres dans notre club Inside Fireside Tattoo et nous avons vendu environ 1200 cours - Foundations pour les artistes débutants et le cours Simplify pour les artistes avancés. Au fil des ans, nous avons proposé plusieurs livres électroniques et ateliers, mais je n'ai pas beaucoup de données à ce sujet. Nous commençons également à nous concentrer davantage sur les événements en direct. Je viens de terminer notre première excursion « Fireside Yacht Club » et je m'associe également à TattooNow pour organiser le Paradise Tattoo Gathering.
J'imagine que toutes ces activités, ainsi que ton travail de tatoueur et la gestion d'un studio, prennent beaucoup de temps. Comment y parviens-tu et quels conseils donnerais-tu à ceux qui, comme toi, aiment faire plusieurs choses à la fois ?
J'essaie de me concentrer sur les choses que je fais bien et de trouver des personnes pour s'occuper des choses que je fais moins bien. Nous avons une équipe formidable à Fireside qui m'aide à me délester de certaines tâches. Je travaille également avec des coachs d'entreprise depuis de nombreuses années et j'ai développé des systèmes et des automatismes pour une grande partie du travail que nous effectuons. + IG @pluguglyart @firesidetattoo www.firesidetattoo.com