Connu pour ses impressionnants mandala qu’il pose un peu partout et à n’importe quelle échelle, le Néo-Zélandais et street-artist Mayonaize est à l’origine tatoueur et jongle aujourd’hui entre les deux disciplines.
Entre le graf et le tatouage, lequel est venu en premier ?
J’ai commencé à tatouer. Néo-Zélandais d’origine je peignais des maisons avant de déménager en Australie où j’ai commencé à travailler comme tatoueur, après avoir patienté quelques années pour décrocher un apprentissage. Puis j’ai eu envie de m’aérer un peu et le graffiti est entré dans ma vie. J’avais besoin de décompresser. Le tatouage ce n’est pas rien, c’est personnel et important pour ceux qui le font ; tu ne peux pas te permettre de faire des erreurs. Je cherchais donc quelque chose de plus léger, un hobby que j’aurais pu faire en extérieur et en rapport avec l’art afin d’améliorer mon niveau de tatouage. Un jour j’ai regardé un documentaire des années 70 sur le graffiti, « Style Wars », qui traite du début du mouvement à New-York. Il m’a beaucoup inspiré, c’était exactement ce que je cherchais. J’ai ainsi commencé en 2005, tout seul. Un jour j’ai réalisé que j’avais besoin d’un bon tag et le lettrage est arrivé. J’ai étudié un peu le sujet, découvert le style des gangsters chicanos de LA et c’était le début de mon intérêt pour la calligraphie.
Travailler les lettres, c’est quelque chose dont tu te sentais déjà proche en tatouage ?
J’ai d’abord commencé à graviter autour des styles néo-traditionnel et japonais, puis j’ai fini par être au studio le tatoueur à qui confier les scripts. Entre les roses, les serpents, les crânes et les dagues, il y a avait dorénavant les lettrages.
Aujourd’hui tu sembles te concentrer dessus, est-ce ta propre initiative ?
Les gens ont commencé à me demander de tatouer ce que je faisais en graffiti, alors il m’a fallu trouver une façon de traduire sur la peau ma technique au pinceau. Le style de dessin était très proche du script, avec un côté graffiti. La première fois c’était au Japon quand j’ai prétendu à un client que je l’avais déjà fait. Il m’a fallu trouver une façon de reproduire avec ma machine cet effet de traîne propre au marqueur, sans contour.
Comment obtiens-tu les effets que tu donnes à tes lettres ?
Un client vient par exemple avec un mot, disons « patience », et je le répète encore et encore, de façon à créer une dynamique différente ainsi qu’une sorte de géométrie. Qu’il s’agisse de lettre ou d’autre chose, la répétition des formes et des attaques fourni sa propre géométrie à l’intérieur de ce mandala. Par contre, cette répétition n’existe pas dans le cas d’une phrase longue– comme ce verset de la Bible que j’ai fait récemment. Tout dépend du client en fin de compte. J’adore quand on me demande d’écrire ceci ou cela parce que les lettres dictent l’esthétique de l’ensemble de la pièce. S’il y a beaucoup de « R » et de 3K » ou de « J », le rendu sera différent d’une autre avec beaucoup de « O » ou de « L » et de « I ».
Tes lettrages sont-ils fait pour être lus?
La lisibilité de la pièce n’est pas un objectif, ce n’est qu’une question d’esthétique, il ne s’agit que de faire plaisir aux yeux. Etonnamment, les gens ont tendance à me proposer des phrases très étranges parce que c’est justement difficile à lire. Je pense d’ailleurs que c’est une des fortes motivations qui les poussent à venir me voir ; cela leur permet d’écrire des choses intimes dont eux seuls en connaissent le sens. Parfois, quand je dois faire une phrase très longue et que je ne peux pas la rentrer entièrement, je me contente de la couper pour coller à l’idée du cercle. Encore une fois, il ne s’agit que de donner de l’allure à la pièce.
Te considères-tu comme un artiste typographique ?
J’ai un paquet de styles différents à ma disposition. Je suis capable de travailler dans un registre fluide avec des courbes mais aussi dans un flow plus barré ou encore dans un style gangster… C’est nécessaire de maîtriser plusieurs styles, tu ne peux pas te satisfaire d’un seul. Parfois pourtant, il arrive que l’un prenne le pas sur les autres et devienne plus populaire. Quoi qu’il en soit, il s’agit avant tout de coller à la demande du client avant de penser à faire avancer ton style. Dans le cas contraire tu te retrouves vite bloqué. Tous les jours je fais une lettre légèrement différente. A chaque fois que je peins ou que je tatoue je modifie mes lettres, je les affine et à chaque fois je trouve de nouvelles façons pour certaines d’entre elles.
Quel script utilises-tu ?
J’aime MES lettres, celles que je créé moi-même ; pendant longtemps, j’avais la totalité de l’alphabet - à l’exception de quelques unes, le « J » et le « Q ». J’adore faire du lettrage. J’essaie de prendre un maximum de plaisir dans ce que je fais et je fais tout free-hand. J’attends de mes clients qu’ils viennent me demander ce que je fais le mieux : mon style. Mais je m’adapte. Parce que je suis convaincu que c’est le corps qui oriente le style. La façon dont il bouge induit, dans une certaine mesure, ce qui sera le mieux pour lui. Mais la structure reste cependant identique.
Ton travail se démarque notamment par son impressionnante précision.
En tatouage c’est très important. J’entends souvent les gens en parler, ils sont très surpris par ma capacité à conserver la symétrie des compositions. Mais pourtant, je ne cherche pas à me conformer à une quelconque esthétique, comme s’il s’agissait de dire : « Voici l’essence du truc ». Dans mon cas, je suis simplement attentif à être détendu, à prendre du plaisir et à être sûr que ce que je fais est bon, sans trop y réfléchir. Dès que tu commences à penser les problèmes arrivent ; ce n’est plus naturel, c’est contraint.
Comment expliques-tu que ton travail de graffeur attire autant l’attention ?
Parce que je suis consistant. J’étais obsédé par la peinture en spray, en graffiti. Quatre soirs par semaine j’allais recouvrir des murs avec des gigantesques « Mayo ». Ensuite j’allais faire des toits, des lignes de chemin de fer et, au milieu de tout ça, je faisais ce que l’on appelle du bombing tagging.
Comment cette esthétique de la calligraphie est-elle arrivée ?
La bombe de peinture ne permettait pas de tirer le meilleur parti de la forme, j’ai donc évolué et opté pour le pinceau. Il a des lignes plus fines, il donne plus de textures avec lesquelles j’aime jouer. Je peux mieux le contrôler. J’ai commencé par utiliser un pinceau rond et c’est le premier style que les gens ont commencé à reconnaître. Je jouais aussi avec des marqueurs et puis un jour, cet artiste japonais Usugrow est venu en Australie. Je l’ai regardé, il peignait avec un pinceau plat. Cet outil ne me convenait pas, j’étais un peu sauvage et j’aimais être libre de mes mouvements ; le rond me convenait mieux. J’ai commencé à être connu en quelque sorte pour ce style hiératique et très rythmique. Puis j’en ai eu marre. En partie parce que je ne pouvais pas vraiment traduire ce rendu dans le tatouage et faire le pont entre les deux disciplines. Mais je me suis souvenu du pinceau plat et j’ai commencé à l’utiliser. Le rendu s’est avéré plus facile à reproduire sur la peau. J’aime la propreté des formes. C’est pour ça que j’ai arrêté ce style shuji (style de pinceau calligraphique, en japonais) en tatouage. Je pense que cela a influencé ma façon de peindre. Au début, la peinture a influencé ma façon de tatouer, mais maintenant c’est l’inverse.
Comment organistes-tu ton temps entre le graffiti et le tatouage ?
C’est le plus difficile. Je ne sors plus le soir faire des trucs illégaux. Ce n’est pas que je n’ai plus le temps, je trouve toujours du temps, mais je n’ai tout simplement plus le feu pour provoquer la loi et traîner la nuit à faire des conneries. Je préfère aller dans un studio tranquille, travailler sur un mur pour des gens et dans un environnement agréable. Les commandes, les toiles en studio… j’y prends plus de plaisir maintenant. Récemment, j’ai été particulièrement occupé avec le tatouage. Avant c’était la peinture. Ca va, ça vient, je prends les choses comme elles viennent en fin de compte.
Tu peux nous parler de ce tatouage « Self-Made » que tu portes sur le ventre ?
C’est super vieux. 2005 ? Quand je l’ai fait les gens me regardaient un peu de travers, du genre : « Il a vraiment du avoir une vie de déglingué pour être entièrement tatoué comme ça ». Mais ce n’était pas du tout le cas ! J’ai été adopté, et j’ai eu une famille très généreuse – c’est à ça que fait référence le tatouage que j’ai autour du cou : « Born lucky ». « Self-Made » est lié à ma décision d’être comme je suis. Je voulais me dédier au tatouage et je ne voulais pas me laisser d’autre option que celle de devenir tatoueur. MORE: www.mayonaize.com IG: @mayonaize