De chaque fleur sauvage se dégage puissance et mouvement. Elles prennent vie sur la peau en épousant instinctivement les courbes et les aspérités. Florissantes et rampantes, les fleurs de GueT s'allongent et se dispersent au gré des volumes du corps.Résident chez Alchemink à Lyon, GueT a su puiser dans ses passions pour le graffiti, la botanique et la musique électronique l’inspiration pour créer ces combinaisons florales aux multiples textures.
Quand as-tu découvert le tatouage et qu’est-ce qui t’a décidé à en faire ton métier ?
J'ai toujours été fasciné par le tatouage. Quand j'étais ado, je regardais des bouquins de bikers parce qu'il y avait un peu de tatouage dedans et que ça me fascinait et que je ne trouvais pas forcément de bouquin de tatouage. Je ne pensais pas qu'on pouvait en faire un métier parce que je ne comprenais pas ce qui se passait pendant les séances. Et c'est seulement après, lors d'un voyage en Polynésie, que je me suis fait tatouer une grosse pièce au niveau du genou par Purotu. Il y a eu beaucoup d'échanges avec lui parce que je suis allé le voir plusieurs fois les jours précédant le tattoo. Il m’a dit que je devrais être tatoueur. « Si tu veux, je te montre deux ou trois trucs ». Je ne l'avais pas envisagé parce que je n’avais pas compris la technique du tatouage et je ne pensais pas que ce que moi je faisais pouvait intéresser les gens. En parallèle, pendant mon adolescence, j'étais graffeur dans la région parisienne. J'ai toujours baigné dans le graffiti et je ne pensais pas qu'on pouvait mêler les deux. Graphiquement, il y avait quand même une inspiration. Je me suis dit que je pourrais peut-être faire du graffiti sur les gens. J’ai repris mes feutres, j'ai bossé à fond le dessin pendant pas mal de temps et j'ai essayé d'adapter un petit peu mon trait graffiti à l'esprit tattoo. Il a fallu que je dévie graphiquement pour rentrer dans cette culture tattoo. C'était quelque chose qui n'existait pas beaucoup, tu ne savais pas s'il allait y avoir une clientèle possible. Le graffiti, c'est très particulier, ça n'intéresse pas forcément les gens.
Et comment as-tu appris à tatouer ?
J’ai appris dans ma chambre. J’étais allé voir Patman pour lui demander s'il cherchait un apprenti. Il n’en cherchait pas mais il m’a dit qu’avec le graphisme que j’avais, avec ma patte, je devrais m’entraîner sur des potes. Je me suis entraîné sur des peaux de cochons et des oranges pendant quelques mois et puis j'ai fait le tour des potes et de la famille pour les tatouer.
Est-ce que certains tatoueurs t’ont donné des conseils ?
Oui Léon Lam a vraiment été un mentor pour moi. Pas forcément en termes de technique d'apprentissage. Il m'a énormément aidé en termes de philosophie, de travail et pour savoir sortir des codes. Construire son propre univers. La technique, c'est venu petit à petit en regardant les autres tatoueurs en convention par exemple.
Est-ce que cela a été difficile d’être autodidacte ? Pourquoi ?
Je suis autodidacte dans tout ce que j'ai fait. C’est hyper dur parce que c'est long et il ne faut pas se décourager. C’est long pour apprendre à tatouer correctement. Il faut que tu expérimentes et que tu pratiques beaucoup.
Où as-tu ensuite commencé à travailler ?
Sur les conseils de Léon, je n’ai tatoué que dans des lieux atypiques. J'avais un pote qui travaillait dans des studios de cinéma en périphérie de Paris et je tatouais là-bas le soir après mon boulot. J’ai aussi beaucoup tatoué dans des appartements qu'on me prêtait ou des chambres d'hôtel. En fait, je me suis permis de tatouer dans ces lieux-là parce que quand Léon m'a tatoué la première fois, il m'a reçu dans un atelier de souffleur de verre en région parisienne. Pour moi le tattoo, c’était dans un salon super aseptisé mais il m'a reçu dans une petite pièce qu’il s'était aménagé dans l’atelier. Je me suis dit ok donc on peut faire ça aussi. Finalement, c'est rassurant de se dire que c'est une ouverture de plein de possibilités, de se dire que ce n’est pas obligé de rentrer dans ce que tu connais ou ce que tu aperçois du tatouage traditionnel.
En parallèle tu faisais aussi de la musique. Peux-tu m'en dire plus ?
J’ai été DJ depuis l'âge de seize ans jusqu'à maintenant. Je n’ai jamais vraiment arrêté mais j'ai eu une grosse période pendant au moins vingt-cinq ans où j'ai beaucoup joué, beaucoup tourné. J’ai sorti quelques disques, monté un label de musique avec des potes où on a produit pas mal de musique électronique (techno, house, etc.).
Est-ce que ces deux pratiques ont été complémentaires ? Quel lien fais-tu entre le tatouage et la musique ?
C’est un gros besoin d'exprimer des choses qu'on ne peut pas forcément exprimer par les mots par exemple. Je ne parle pas beaucoup en général et je me suis beaucoup servi de la musique pour faire passer des émotions. Et ça rejoint totalement le tatouage où je vais tracer des lignes qui expriment une émotion. Quand je dessine, toujours en musique, j'ai repéré que j'écoutais un peu toujours le même type de musique. Quand je tatoue, le style de musique que j'écoute va beaucoup influer sur la dynamique des traits. Si j'écoute de la house ou de la techno, mes traits vont être vraiment différents de si j'écoute de la drum and bass par exemple, je vais me lâcher un peu plus. En termes de dynamique, d'explosion des pétales par exemple.
Comment ton style a évolué à travers les années ?
J’ai commencé avec des petites fleurs et puis rapidement je me suis senti un peu limité sur une feuille A4. C’est devenu beaucoup plus grand et j'ai remarqué que ça se posait vachement bien sur les morphologies des gens. Tu crois que c'est toujours pareil, mais en fait ça ne l’est pas. Il y a toujours un tout petit détail, des lignes, des pétales, toujours une petite évolution à chaque tattoo. C’est une progression permanente.
Et alors pourquoi toutes ces fleurs sauvages ?
A force de travailler, de chercher comment m’exprimer hors du graffiti. Dans mes multiples vies, j'ai travaillé dans la botanique donc je suis déjà calé dans les fleurs et je fais mes recherches. Pendant des heures et des heures. Je vais dans tous les jardins botaniques à travers le monde. Quand je voyage, je prends des photos sous tous les angles. Les fleurs que je fais, à l'échelle d'un corps, c'est comme si c'était de la macrophotographie ! Tu passes d'une fleur qui fait trois centimètres à une fleur qui mesure un mètre vingt.
Comment fais-tu pour trouver l'équilibre entre les différentes textures ?
C'est un peu à l'instinct. J'essaie de créer l'équilibre entre toutes les textures en ligne et les textures en point pour que ce ne soit pas trop chargé à un endroit. Il faut qu’il y ait des pétales qui soient mis en lumière, des pétales avec des textures, des pétales avec des points. Que tout soit vraiment équilibré, que ça soit harmonieux. Je n’ai qu’une seule règle, c'est qu'il n'y ait pas deux pétales avec des points qui se chevauchent. C'est ma règle ultime pour la lisibilité et pour donner un petit truc graphique supplémentaire.
As-tu des artistes de référence qui t'ont inspiré ? Dans le graffiti ou le tatouage.Un de mes deux artistes de base c'est Mode 2 un graffeur des années 90 qui a beaucoup travaillé avec NTM. Il est hyper connu dans le monde du tattoo. Il y a aussi l'artiste allemand DAIM avec beaucoup de dynamique, ça part dans tous les sens. C’est mes deux artistes de référence du graffiti.Il y a aussi Georges Mathieu. C’est un artiste contemporain des années 70-80 qui avait réalisé une des faces de la pièce de dix francs. Il a inspiré toute la scène graffiti.
Qu'est-ce que t'aimerais qu'on te propose comme projet ? Quelque chose d’un peu fou qui te challenge ?
J'aimerais bien faire des gros projets comme des demi-corps ou des corps entiers. De plus en plus gros, pour que ça épouse vraiment les morphologies des gens. @guet