« ATC Souvenir »Interview par Tiphaine Deraison /Portraits : Florian Chamare
« Nothing to prove », « don't forget your roots » ou encore « one life one chance », sont des hymnes scandés mais surtout tatoués. A l'origine de ces gimmick très éthiques : H20, le leader new-yorkais du mélodique hardcore depuis fin 90. Trés tatoué, le chanteur revient sur les motifs qu'il arbore sur son corps. Rencontre.
Beaucoup de fans se font faire un tattoo de H20. Comment vous sentez-vous par rapport à ça ? Je suis un fan moi aussi ! J'ai le portrait de Madonna, j'ai un tatouage représentant Jay Z et j'ai peut-être 30 tatouages de groupes sur mes jambes, dont Agnostic Front, Sick Of It All, Madball, 7 seconds, Descendents,...tous ces groupes qui m'ont inspiré. Si des gosses se font tatouer un dessin de H20, ça veut dire qu'ils sont inspirés par nous. Quand les gens ont notre logo ou nos paroles encrées dans leur peau, c'est comme porter un emblème. Ils croient ce en quoi on croit et c'est un message. Moi-même j'ai le tatouage du premier album d'H20 car c'est celui que je préfère, c'est un classique maintenant.
Quels sont les mots ou phrases que tu as tatoués?
J'ai beaucoup de mots, j'ai genre « Straight Edge », « P.M.A », mais celui que je préfère est certainement « End Racism » dans mon dos.
Quel âge avais-tu quand tu as fait ton premier tattoo ?
18 ans chez Peter tattoo à Long Island à New York en 1988, j'étais excité et nerveux de me faire tatouer. C'était un tatouage de groupe et avec les années il a mal vieilli donc je l'ai fait recouvrir par un autre du même groupe. Je suis rapidement devenu accro et j'ai voulu en avoir plus. En 2012 je me suis fait jusqu'à 36 tatouages !
Qui est ton tatoueur ?
J'ai quatre tatoueurs : CIV (chant : Gorilla Biscuits, CIV), Juan Puente, Luke Wessman et Dan Smith (Captured Tattoo), CIV est à New York (Lotus Tattoo, ndlr) les autres en Californie.
Es-tu proche de ton tatoueur?
On est vraiment proches. Je les connais tous depuis longtemps. Je connais CIV depuis 20 ans. J'étais carrément une des premières personnes qu'il a tatouée dans son appartement à Lower East Side sur 9 street. Il y a tatoué mon estomac, il a fait un tas de trucs sur moi, j'étais la première personne sur laquelle il a tatoué la lèvre, j'étais son cobaye en quelque sorte. J'ai beaucoup de tatouages de Chris Garver aussi. La plupart de mes tatouages ont une signification et une histoire, certains sont complètement fous d'ailleurs ! J'ai un tatouage de E.T car c'était mon film préféré quand j'étais gamin et j'ai même un tatouage de Breaking bad, la série TV.
Quel est le tattoo qui est le plus important à tes yeux?
Le portrait de mon fils que j'ai fait faire sur ma cuisse. Ensuite, mon tatouage de Madonna car j'adore cette chanteuse depuis que je suis un gosse, c'est un tattoo que je lui ai montré quand j'ai pu la rencontrer !
Quelle est la phrase que tu préfères et que tu t'es fait tatouer ?
J'ai beaucoup de mots j'ai genre « Straight Edge », « P.M.A » j'en ai vraiment beaucoup mais celui que je préfère est certainement « End Racism » dans mon dos.
Le titre « Heart on my sleeve» (extrait de « Nothing to prove », 2008, ndlr) parle du regard négatif en général posé sur les tatoués, tu parles de ta propre expérience?
C'est un discours pour défendre les gens qui sont tatoués et qui se font juger immédiatement par d'autres. Les gens qui trouvent ça drôle de te faire passer pour un criminel ou un moins que rien parce que tu es tatoué. Tout ça, ce sont des stéréotypes, il y en aura toujours sur les tatouages. J'ai écrit cette chanson de par ma propre expérience que ce soit quand j'étais plus jeune ou maintenant. Quand je fais des interventions en école, les enfants se posent des questions quand ils me regardent :« quoi ! tu dis que tu n'as jamais touché de drogue ? Mais tu es rock'n'roll, avec plein de tatouages, c'est pas possible !?». J'ai l'air d'être un monstre tatoué mais je suis juste quelqu'un de normal !
L'album « Dont forget your roots » est un album dans lequel vous rendez hommage à un certain nombre de groupes punk-hardcore, te penses-tu nostalgique du Hardcore old school?
Je pense que ce type de hardcore a changé ma vie, toutes ces chansons mythiques, je l'écoute depuis que je suis gosse ! Mais j'écoute aussi beaucoup de Hip Hop, Coldplay, de pop musique, pas que du hardcore et j'aime beaucoup Rihanna par exemple ! J'écoute toutes ces conneries aussi que mon fils écoute. Mais lorsque j'écoute du hardcore c'est tous les vieux groupes comme Ramones et tous les trucs comme ça. J'aime bien Cruel Hand, Trapped Under Ice, j'aime Backtrack, Wisdom in chains, ce sont les 4 groupes que je trouve supers actuellement.
Dans cet album « Don't Forget your roots » quelle est ta chanson préférée et pourquoi ?
Hum, c'est une bonne question ! J'aime beaucoup Embrace et la chanson qu'on reprend car c'est un groupe que j'ai vu en live et dont j'ai acheté l'album quand j'étais gamin, c'était l'autre groupe de Ian McKay de Minor Threat, du coup j'étais vraiment impressionné et j'aime beaucoup ce disque car il est très émotionnelles aussi. C'était un peu les premiers, c'était vraiment original d'avoir ce genre de chansons émotionnels, quoi d'autre... les Clash ou encore Gorilla Biscuits et le titre « New Direction »...
Pourquoi c'était important de faire cet album ?
C'était important parce que je voulais faire un disque où les gamins d'aujourd'hui peuvent comprendre par quoi on avait tous été inspiré, parce qu'il y a vraiment beaucoup de kids maintenant qui ne connaissent pas les groupes qui sont à la racine et qui ont inspiré cette musique et ce mouvement, j'ai donc pensé à faire ce disque pour que les kids voient quel style de musique nous a influencés et nous a plongés là-dedans ! C'est aussi une façon de remercier ces groupes qui nous ont pris avec eux en tournée comme Social Distortion pour notre première tournée. C'était vraiment cool de faire ce disque et j'ai vraiment envie de faire un deuxième, un « part 2 » car y’a beaucoup de groupes qu’on n’a pas pu inclure.
Tu joues Sunday, qui est une chanson très personnelle sur ton expérience de père et avec ton propre père ce n’est pas difficile de devoir chanter tous les soirs cette chanson ?
Oui, ça l'est. Et ça me prend aux tripes à chaque fois que je chante cette chanson, ça me perturbe un peu. J'adore cette chanson et j'en suis très fier, beaucoup de gens sont attachés à cette chanson, ils m’écrivent pour m’en parler et c'est certainement ma chanson préférée. Elle parle de vie et de mort et de la difficulté de devenir père quand on en a pas eu. Pour moi grandir sans père c'était difficile parce que personne ne m'emmenait à la pêche par exemple. Je n'avais que 3 ans quand il est mort, je devais parler à mes amis et leur poser certaines questions qui sont normalement celles qu'on a avec son père. Mon ami Freddy de Madball est un de ceux qui m'ont emmené pêcher pour la première fois, ! C'était carrément cool. Ma mère a éduqué trois garçons toute seule et j'allais chez mes grand-parents le week-end. Ils s'occupaient de moi mais mes amis m'emmenaient aux concerts tous les week-end, on allait à ces concerts à Providence, Rhode Island à NewPort. J’ai grandi avec la musique punk-rock et ensuite c'est devenu une famille. A 18 ans, je suis allé à New York, j'ai dormi sur les canapés ou le sol d'appartement de différents amis qui m'hébergeaient et m'emmenaient avec eux en concert, c'était vraiment excitant de faire partie de cette scène hardcore, c'est vraiment ma famille...et quand je parle de la famille c'est pas seulement la famille de sang ce sont aussi les amis. Ils ont toujours été là. Je pense que pas mal de gamins se retrouvent dans la scène hardcore quand ils ont une vie de famille difficile, détruite. Ils se retrouvent comme dans une nouvelle famille dans le hardcore, ils vont aux concerts et ils se sentent mieux compris.
En tant que Straight Edge depuis plus de 20 ans, que pourrais tu dire à quelqu'un qui te dirait que tu ne peux pas parler de drogue parce que tu n'en a jamais touchée de ta vie ?
Il y a tellement de kids au lycée qui sont bien plus expérimentés en drogue et alcool que je ne le serai jamais. Tout ce que je peux leur dire c'est que j'ai connu et vu les effets de la drogue autour de moi. J'ai même perdu des amis à cause des drogues et de l'alcool. D'ailleurs tout le monde autour de moi n'est pas Straight Edge.
Tu as créé l'association PMA all day for a positive mental attitude, c'est une organisation qui fait de la prévention dans les écoles et lycées pour lutter contre les drogues. Tu peux nous expliquer quelles sont ses activités et sa philosophie ?
Le premier à avoir parlé de P.M.A est Napolean Hill (naphill.org, ndlr) dans ses livres en 1960. Ensuite les Bad Brains se sont inspiré de lui pour faire la chanson « Attitude » où ils affirment : « we've got PMA » . Ils ont voulu introduire cette philosophie dans le mouvement hardcore et c'est comme ça que moi-même j'en ai entendu parler. Avoir une Positive Mental Attitude, c'est se sortir des pensées négatives. Tu fais des choses bien autour de toi et de bonnes choses t'arrivent en retour. C'est ce que j'explique dans les écoles. Je leur parle de mon expérience, d'être Straight Edge, d'être un père, un musicien, de la musique punk-rock. Ce n'est pas tant à propos du hardcore mais surtout ce que l'on peut devenir et comment l'atteindre. Je ne leur fais pas la leçon, je ne suis pas flic ! Mais parfois je me retrouve face à des gamins qui se confient à moi car ils n'ont personne à qui parler. Quand j'étais à l'école, j'ai eu la chance d'être accepté par des potes qui s'en fichaient que je boive ou pas. Je voudrais qu'ils comprennent qu'ils n'ont pas besoin de ces drogues pour être cool ou réussir.
Dans la chanson « What happened ? », la phrase « fashion before passion » est un véritable hymne largement repris qui parle ouvertement de l'ethique des groupes actuels, tu penses que c'est une réalité aujourd'hui, la mode passe avant l'art et la musique ?
C'est une réalité aujourd'hui ! Et pas uniquement dans le hardcore. On n'a pas fait d'album pendant quelques années et quand on est revenus, on a remarqué qu'il y avait des gens qui n'avaient pas à travailler dur pour être dans un groupe puisque les kids étaient déjà fous de leurs sponsors et merchandising. Ils ont juste à se préoccuper d'avoir les cheveux, vêtements et mouvements parfaits sur scène ! On dirait quelque chose de monté de toute pièce. Alors que d'autres groupes ne s'intéressent qu'à la passion et l'intégrité . Donc je me pose la question : est-ce qu'il y a vraiment un message ou est-ce juste pour faire de l'argent ? On aime la musique car on se sent connectés au groupe ! Pas pour voir si les gars qui jouent sont mignons. C'est cool d'avoir de belles fringues j'aime les Nike je suis un mec qui aime les sneakers, mais ça ne fait pas qui je suis, si je les enlève je suis toujours moi : Toby. Il se passe la même chose dans le hip hop. J'aime le new school hip hop mais j'ai du mal avec les gens qui font juste ça pour l'argent et pas l'amour de ce qu'ils font. Personnellement, on est vieux, fatigués, mais on adore jouer en live sur scène, jouer notre musique et essayer d'inspirer d'autres gens, c'est vraiment ce qui nous importe le plus. Construire l'histoire de la musique, continuer à connaître et entretenir les racines de cette musique. C'est ce qui nous motive et ce qui devrait motiver tout le monde. La nuit dernière on était en concert et on jouait quelque chansons, des reprises, comme on fait parfois. On a demandé au public, qui connait le groupe dont on faisait la reprise (une reprise des Clash - « Radio Clash ») . Il y avait peut-être 3000 personnes et personne n'a levé la main... personne ne connaissait les Clash ; personne ne connaissait la chanson ou qui en était l'auteur. Ça m'a vraiment choqué ! (Interview réalisée lors du Persistence Tour 2013, Paris, Bataclan) Les tatouages de Toby Morse en photo sont : Le dos = End Racism, CIV, Lotus tattoo Scott Da Silva (CA) et Juan Puente (CA) Visage de son fils = Juan Puente (Atlas Tattoo, Portland) H20 tattoo = Chicago tattoo 9B Genoux = CIV de lotus Tattoo No Smoking de Dan Smith, Captured Tattoo PMA, Bad Brains tattoo, Dan Smith de Captured Tattoo Le Madonna par Josh Moody NyC Joey Ramone par Juan Puente (Atlas Tattoo, Portland) Melle Swoosh par Juan Puente (Atlas Tattoo, Portland) Drug Free par CIV, Lotus Tattoo Verbal Assault Eyes par Dan Smith, Captured Tattoo