Spécialisé dans l’horreur et l’organique, aujourd’hui exilé en Asie du Sud-Est, Stepan Negur nous raconte comment il est passé maître dans l’art de rendre ses créations grand format spectaculairement réalistes.
Bonjour Stepan, peux-tu nous parler de tes débuts dans le tatouage ?
Depuis mon plus jeune âge, une profonde passion pour l'art, exprimée à travers divers styles de dessin, a été une constante dans ma vie. À l'âge de 14 ans, mon parcours artistique a pris un tournant décisif lorsque j'ai découvert le monde du tatouage. Il ne s'agissait pas seulement d'une forme d'art, mais d'un processus mystique où les individus embrassaient le pouvoir de transformation de la douleur, émergeant comme de nouveaux êtres ornés d'une encre significative. En l'absence de conseils formels, je me suis lancé dans une exploration autodidacte et j'ai maîtrisé le métier.
As-tu toujours été intéressé par l'organique et le mécanique ?
Au début de mon parcours, je faisais tout. Mais, depuis 2010, je m'intéresse de près au réalisme. Un jour, un client est venu me demander de faire de l’organique. J'ai dessiné à main levée pendant deux heures et quand tout était prêt pour commencer la séance, le client m'a demandé de patienter, le temps d’aller chercher son portefeuille dans la voiture. Après quoi il n'est jamais revenu. Plus tard, j’ai finalement fait ce projet sur un autre client et je l'ai posté sur les réseaux sociaux. Les gens ont beaucoup aimé et ils ont commencé à me contacter uniquement pour l’organique.
Comment travailles-tu tes formes, sont-elles le fruit de ton imagination ou d'une recherche intense ?
Tout ce qu'invente une personne est basé sur son expérience et ses observations. Mes formes organiques s’appuient également sur mes observations du monde extérieur, de la nature et des animaux. Il y a beaucoup de formes et de textures bizarres autour de nous.
Les crânes et les os semblent faire partie de tes sujets préférés pour lesquels tu aimes travailler avec des textures ?
Oui, en effet. J'ai toujours aimé les crânes. Et la texture poreuse des os est idéale pour mes œuvres organiques.
La biomécanique que tu aimes est proche du réalisme. Quelles difficultés rencontres-tu ?
Je ne peux pas dire que je rencontre des difficultés avec le réalisme. Pour atteindre le réalisme, il faut maîtriser les connaissances fondamentales en matière d'ombres et de lumières, de reflets et de perspectives aériennes. Je maîtrise suffisamment ces compétences.
La biomécanique s'adapte harmonieusement au corps. A cet égard, le style oriental est une source d'inspiration majeure pour les tatoueurs qui travaillent sur de grands formats. Est-ce ton cas ?
Oui. Au début de mon parcours, le style oriental a effectivement eu un impact sur moi. Il est un des styles qui a façonné mon développement. J'apprécie les grands projets dont la composition et la dynamique sont bien construites, et le style oriental est un bon exemple à cet égard.
Le Suisse Giger a sans aucun doute eu une influence sur toi, mais quels sont les autres artistes qui ont été une source d'inspiration ?
Curieusement, Giger n'a pas eu d'influence sur moi. Je me suis plongé dans son œuvre après être passé maître dans l'art du tatouage organique. Avant cela, tout ce que je savais de lui, c'était qu'il avait créé l'Alien. Ce sont des tatoueurs comme Paul Booth, Victor Portugal, Guy Aitchison et Markus Lenhard qui m'ont le plus influencé.
Tu as réalisé des œuvres très surprenantes entièrement en couleur. Est-ce une direction que tu aimerais explorer à l'avenir ?
Oui, c'est ce qui m'intéresse aujourd'hui. Je suis heureux de ce que je fais, mais toute poursuite finit par devenir familière, et il arrive un moment où l'on a envie de quelque chose de nouveau. C'est pourquoi j'ai décidé d'essayer de travailler avec la couleur. C'est un défi pour moi en ce moment, mais cela ne fait que rendre la tâche plus intrigante. Je me sens comme un novice, explorant la magie des couleurs.
L'avenir de la technologie t’intéresse-t-il ou s'agit-il simplement d'une question d'esthétique artistique ?
Oui, il m'intéresse sans aucun doute. L'évolution constante de la technologie est quelque chose d'incontournable, et il est essentiel de se tenir au courant de ces développements. Non seulement pour des raisons pratiques, mais aussi pour explorer de nouvelles possibilités d'expression artistique.
Tu travailles maintenant au Viêt Nam. À quoi ressemble la vie là-bas et la scène du tatouage en Asie du Sud-Est ?
La vie ici est riche en culture, et la scène du tatouage en Asie du Sud-Est est dynamique et diversifiée. La région se targue d'un mélange de styles traditionnels et contemporains, reflétant une vibrante tapisserie d'expression artistique.
Outre le tatouage, tu es également un excellent peintre réaliste. Quel plaisir tires-tu de ce médium et combien de temps y consacres-tu?
J'aime peindre à l'huile. Je m'assois devant la toile lorsque l'inspiration ou une nouvelle idée me vient. Je ne me précipite pas dans ma peinture ; il m'arrive de travailler sur une seule œuvre pendant toute une année. Il m'arrive de peindre plusieurs œuvres simultanément. Malheureusement, pour le moment, je n'ai pas l'occasion de peindre en raison de mon mode de vie trépidant. Cependant, j'espère me stabiliser bientôt et reprendre progressivement la création de peintures pendant mon temps libre. + IG : @stepannegur